Eidechse + Kind = enfant + lézard?

Atelier de traduction avec Vincenzo Todisco et Benjamin Pécoud

Das Eidechsenkind. L’existence bipartite du protagoniste du roman de Vincenzo Todisco est déjà inscrite dans son titre. Ce protagoniste, c’est un enfant qui vit en cachette, car personne ne doit savoir que ses parents italiens l’ont amené de manière clandestine dans le pays où son père a trouvé du travail. L’enfant apprend donc à disparaître en moins de rien sous le buffet, à rester pendant plusieurs minutes comme pétrifié derrière un rideau dès qu’une personne extérieure entre dans l’appartement, son habitat. C’était précisément ce mode de vie du personnage principal, ressemblant tantôt au lézard, tantôt à l’être humain, qui constituait l’un des défis majeurs de la traduction de Das Eidechsenkind dans les langues romanes. Vincenzo Todisco et Benjamin Pécoud en ont parlé dans un atelier de traduction animé par Marie Fleury Wullschleger.

Né à Stans en tant qu’enfant d’immigrés italiens, Vincenzo Todisco a écrit plusieurs textes en italien avant de publier Das Eidechsenkind en 2018, son premier roman en allemand. L’année passée, le traducteur et auteur Benjamin Pécoud a transposé le texte en français sous le titre de L’Enfant lézard. Todisco lui-même l’a traduit en italien peu après et a donc pu participer à la discussion non seulement en tant qu’auteur, mais aussi en tant que traducteur du texte.

Le problème de la traduction vers les langues romanes que les deux intervenants discutent le plus abondamment se pose dès le tout début du roman. Dans l’original, il s’agit des lignes suivantes:

Das Kind macht zuerst das linke und dann das rechte Auge auf. Es hat den Kopf an zwei Orten. Einmal in Ripa, wo ihm nichts geschehen kann, und einmal in der Wohnung, wo es die Schritte zählen muss. 

La difficulté tient d’abord aux différents genres grammaticaux . «Das Kind» en allemand est neutre, tout autant que le «es» qui le reprend dans les phrases suivantes. En effet, le sexe de l’enfant ne sera dévoilé au lecteur germanophone qu’au milieu du livre. Parce que dans l’intrigue, l’enfant doit se cacher dans l’appartement, Todisco dit qu’il a aussi voulu le cacher dans la langue. Le genre neutre a l’avantage de créer une incertitude par rapport au statut de l’enfant, de le déshumaniser et de souligner ainsi l’indétermination de son être, entre animal et humain. Pour la traduction par contre, Benjamin Pécoud n’a pas le choix. Puisque le français ne connaît pas de genre neutre, il doit poser les jalons dès les premières lignes. Le pronom «il» fait pencher la lecture tout de suite vers un petit garçon bien humain:

L’enfant ouvre d’abord l’œil droit, puis le gauche. Il a la tête à deux endroits. Une fois à Ripa, où rien ne peut lui arriver, et une fois dans l’appartement, où il doit compter ses pas. 

Le cas est encore plus clair en italien où «il bambino» ne peut qu’être un enfant de sexe masculin, sinon on utiliserait la forme «la bambina». L’effet d’indétermination entre fille et garçon, entre humain et animal est donc également impossible en traduction italienne:

Il bambino apre prima l’occhio sinistro e poi quello destro. Ha la testa in due posti: a Ripa, dove non gli può succedere niente, e nell’appartamento, dove è costretto a contare i passi.

Pécoud et Todisco évoquent d’autres problèmes rencontrés lors de la traduction du roman. Comment rendre avec précision certains termes ? Comment traduire le Konjunktiv 1 qui n’existe pas dans les langues romanes ? Mais le défi de la personnalité fluctuante de l’enfant reste présent. Si le verbe «horchen» est rendu par «écouter», la traduction ne rend pas justice à la grande précision du mot allemand, qui veut dire «écouter très attentivement pour entendre quelque chose de précis». L’alternative serait «tendre l’oreille». Cette option-là serait plus précise, mais elle a le désavantage d’impliquer de nouveau que l’enfant est humain, tandis que la version allemande ne choisit pas entre un statut humain et un statut animal. Pécoud a fini par opter pour «tendre l’oreille». La discussion le montre: faire des compromis est monnaie courante pour un traducteur.

Hélène et le garçon

Pas le sien. Celui de sa sœur. Une fille-mère, comme on les appelle à cette époque, au début du XXème siècle. Le nom du père ? Il faut le cacher. C’est un secret. Un silence. Celui même qu’il s’agit d’entretenir pour l’écriture d’un tel roman. Trop foisonnant, trop complexe ; il faut laisser décanter, dit Marie-Hélène Lafon, son auteure.

Elle explique à Claire Jaquier, professeure émérite de l’université de Neuchâtel, qu’elle se considère à contre-courant. Alors que le monde se remplit de dialogues, de questions, de frénésie, son roman laisse place au toucher et à la profondeur. « Trop de paroles tuent le sens ». Ses propos sont illustrés par la lecture partielle du premier chapitre. Nous faisons connaissance avec l’attendrissant Armand, cinq ans, évoluant dans un environnement olfactif délicieux.

Professeure de langues classiques au degré supérieur, Marie-Hélène Lafon n’en est pas à son coup d’essai. Sa bibliographie se constitue d’une vingtaine d’œuvres et de plusieurs prix littéraires, notamment d’un prix Renaudot pour l’Histoire du fils dont il est question ici.

C’est une intrigue familiale. Il y a Paul, le père caché. Au moment des faits, il est de seize ans le cadet de Gabrielle, son amante. Elle les aime comme ça, un peu bad boys. Trouvé à l’institut elle lui enseigne tout. Mais voilà. Ce qui devait arriver, arriva. Neuf mois plus tard, c’est André qui voit le jour.

Mais Gabrielle est un esprit libre, voletant de ci de là (et surtout du Cantal à Paris, de la campagne à la ville). Pour préserver ce train de vie, elle confiera André à sa sœur Hélène et son mari Léon. Ravie, cette dernière l’ajoute à sa collection (trois filles qui deviendront les bras réconfortant d’André).

Les scènes s’enchâssent dans une chronologie bien particulière donnant le tournis au lecteur. L’auteure prévient, son ouvrage est exigeant : prévoyez un bloc-notes et de quoi établir un arbre généalogique. Après tout, on commence avant la naissance de l’enfant, en 1908 et on termine après sa mort, en 2008.

En fait, Histoire du fils, comme pour bon nombre de créations de Marie-Hélène Lafon, s’inspire grandement de la réalité. En 2012, elle apprend dans sa famille proche, l’histoire d’un enfant caché. Il est décédé, sa famille lui commandite un livre. Les huit ans séparant la réalité de la fiction sont autant d’années de réflexion pour surmonter les deux problèmes que pose cette histoire. Premièrement, elle est trop romanesque et mériterait douze tomes plutôt que douze chapitres (ou pourquoi pas une série ?). Deuxièmement, elle est trop heureuse. Et les histoires heureuses, nous dit Lafon, ça ne fait pas de bons romans…

Où mène le discours sur l’identité?

Telle était la question du podium sous la direction de l’écrivain Martin R. Dean. À cette question, il propose immédiatement deux hypothèses :

  • Le discours sur l’identité mènera à une forme de dictature.
  • Le discours sur l’identité mènera à une meilleure représentativité des minorités (ou décolonisation identitaire).

Pour parler de ces problèmes, Dean s’est entouré de trois écrivaines :

Il y a d’abord Mithu M. Sanyal. L’auteure du récent Identitti est présentée comme une Allemande d’une mère polonaise et d’un père indien. Ensuite, il y a Léonora Miano, une Franco-camerounaise vivant actuellement au Togo et auteure de Afropea. En enfin Dorothee Elmiger, auteure du roman Aus der Zuckerfabrik.

À eux quatre, ils nous offrent une perspective hétéroclite de ce qu’est l’identité européenne aujourd’hui. Cette perspective complexe se construit notamment par ce que Miano nomme les Afropéens ; les noirs nés en Europe. Elle nous rappelle en quoi cela est particulier car contrairement aux Afro-américains pour l’histoire américaine, les Afropéens peuvent potentiellement être laissés sur la touche de l’histoire européenne.

Inexorablement, le podium glisse de la question du discours identitaire vers la problématique du racisme en Europe et le mouvement BLM. La solution au problème et l’évolution des mœurs ne passent-ils pas par la terminologie? Pour éclairer ce point, M. Sanyal lit un extrait de son livre dans lequel un chauffeur de taxi se félicite de la fin du racisme en Allemagne. Ou du moins du « vrai » racisme.

L’auteure de Aus der Zuckerfabrik amène sa pierre à l’édifice en montrant l’inconscience de certains actes d’appropriation culturelle. Pour l’illustrer, elle prend un passage allégorique mettant en scène le propriétaire de deux sculptures de bois haïtiennes figurant des femmes. Sans vraiment y avoir prêté attention plusieurs année durant, le personnage les avait chez lui comme objets de décoration.

En introduction, Martin R. Dean avertissait l’auditoire de la lourde tâche que représentait toute tentative de réponse à la question titre du podium. « Où mène le discours sur l’identité ? » Nous ne savons toujours pas quoi y répondre. Difficile également de clore ce compte-rendu. Je me contenterai de reprendre les dires de Miano s’adressant à Martin R. Dean : « Ne coupez pas la parole aux dames. »

Welten, die aufploppen

Sanftes Klavierspiel überbrückt die Pause. Punkt 20 Uhr stellt Manfred Papst «eine der interessantesten Gegenwartsautorinnen» vor: Martina Clavadetscher, die Innerschwyzerin, die bereits etliche Theaterproduktionen realisiert hat, und deren letzter Roman «Knochenlieder» für den Schweizer Buchpreis nominiert war.
Nun liest sie aus ihrem neusten Roman «Die Erfindung des Ungehorsams» vor – mit ruhiger Stimme und in einem angenehmen Tempo. Fast hat man den Eindruck, das Klavierspiel dauere noch an. Es sind keine harten Staccatosätze wie aus den «Knochenliedern», sondern die Erzählung hat eine sanfte, beinahe dahinplätschernde Satzmelodie.

Das passt auch zur ersten vorgelesenen Szene, die spielt nämlich an einer Dinnerparty in New York. Hier wohnt Iris, eine der drei Frauen, um die es in diesem Buch geht. Das sanfte Dahinplätschern passt aber nicht wirklich zu dem, was erzählt wird. Und darin liegt für mich als Zuhörerin der besondere Reiz. Es wird nämlich erzählt von einem bestimmten Waldfrosch, der sich über den Winter einfrieren lässt. Blut erstarrt, keine Atmung – fast wie tot, aber nur fast. Das Interssante sei, dass der Frosch keinen Schaden nehme, weil er sich mit Glukose vollpumpe. Vom Scheintod zum Leben und immer wieder hin und her. Eine faszinierende Geschichte. Auch für Iris: «Und wie aktiviert der Frosch sein Herz im Frühling?»

Um dieses Aktivieren geht es auch im zweiten Textausschnitt. Dieses Mal schauen wir Ling über die Schultern. Sie ist eine Angestellte in einer Sexpuppenfabrik in China. Ihr Job ist die Überprüfung der Leiber auf kleine Unebenheiten, Fehler, auf überschüssiges Silikon. Sie tastet den ganzen Körper genau ab – nur den Kopf nicht, der ist tabu. Da wird ganz zum Schluss die Programmierung angebracht, denn die Sexpuppen sollen zum Denken, Reden, Reagieren gebracht werden. Wie schon bei der Froschszene beschreibt Martina Clavadetscher sehr detailliert die verschiedenen Fabrikationsstufen, die Arbeiten, die es braucht, bis so eine Sexpuppe «makellos» hergestellt ist.

Von Manfred Papst gefragt, wie fest sie von Sagen und Erzählungen beeinflusst sei, wo doch ihr Vater ein bekannter Sammler von Sagen und Legenden aus der Region sei, meint Martina Clavadetscher: «Ja, jede Form von Erzählung ist wichtig, Sagen, Urban Legends … Jede Erzählung im Roman öffnet ein Türchen zu einer neuen Erzählung. Es geht um Welten, die aufploppen.»

Manfred Papsts Fazit zum Buch: Es ist kein düsteres Buch, obwohl es krass ist. Denn die Figuren erzählen um ihr Leben. Erzählen ist die rettende Kraft in dieser Welt.

Und nach einer aufgrund der fortgeschrittenen Zeit fast hastigen Verabschiedung geht es in der Pause weiter mit Gitarrenklängen … Das Geklimper erinnert mich an die aufploppenden Welten, die ich gern demnächst lesend erkunden möchte.

Diptychon mit zwei Aussenseitern

Flavio Steimann im Gespräch mit Manfred Papst

Von Tobias Bauer und Ines Lilian Siegfried

Tobias: Im Gespräch mit Flavio Steimann zeigt uns Manfred Papst, wie dessen eben erschienener Roman «Krumholz» sich an einen realen Mordfall aus dem Jahr 1915 anlehnt. In der Welt des Luzerner Seelands verknüpft er die Schicksale zweier randständiger Menschen. Die taubstumme Waise Agatha wächst in einer «Armen- & Idioten-Anstalt» auf, wird mit Tuberkulose infiziert und geht täglich mit ihrem Stickzeug in den Wald. Dort trifft sie eines Tages auf ihren Mörder. Das ist der von der Gesellschaft verstossene Zenz, der verwahrlost im Wald lebt. 

Ines: Und es ist genau in der Mitte des Romans, auf einer Lichtung im Krumholz, wo diese beiden Menschen zusammenstossen. Beides Aussenseiter der Gesellschaft, für die diese Begegnung den jeweiligen Tod zur Folge hat. Bis zu diesem Moment haben wir Agathas Geschichte von ihrer Geburt bis zu ihrem Tod erfahren. Nach diesem Wendepunkt konzentriert sich der Text auf Zenz und sein Schicksal. Der Mord ist das Scharnier zwischen den Teilen. Steimann nennt dies Diptychon. 

Tobias: Spannend empfinde ich die Überlegung Steimanns, dem Täter Zenz das Opfer Agatha als gleichgewichtige Figur gegenüberzustellen. Er sagt dazu, dass ihn nicht der Mord an sich interessiert, sondern der Weg, den ein Mensch geht, bis er zu einer solchen Tat fähig ist.

Ines: Ja, die Bluttat scheint gar nicht wesentlich. Aber das, was die Umwelt aus den Figuren gemacht hat. Agatha kann wohl besser etwas aus ihrem Leben machen, als sie aus dem Waisenhaus kommt als Zenz. 

Tobias: Papst spricht aber an, dass beide Hauptfiguren immer wieder kleine Glücksmomente erleben. Das finde ich in der Tat eine Qualität.

Ines: Ja, das gefällt mir auch sehr. Beide haben diese Gabe. Beide können dadurch überleben. Doch bei beiden gibt es einen Schlag, der ihnen das Genick bricht. Bei Agatha ist es die Tuberkulose, bei Zenz das Scheitern in Paris. Das Diptychon geht bis ins Detail.

Tobias: Mich hat beeindruckt, wie die Art der Erzählung im ersten und zweiten Teil von den Wahrnehmungsmöglichkeiten der beiden Personen geprägt wird. Im ersten Teil ist es Agathas Welt, die wir intensiv durch ihre Augen, aber völlig ohne Töne und Geräusche erleben. Im zweiten Teil haben wir die Welt von Zenz im Gefängnis. Diese erschliesst sich ihm einzig über die Geräusche, welche in die Zelle dringen – und lebt durch seine ausgeprägte Phantasie. Das entwickelt für mich beim Lesen einen ganz eigenen Sog. 

Ines: Ich gebe dir recht, das ist eine grosse Qualität des Textes. Doch verhindert vor allem im ersten Teil die Syntax, ganz in die Romanwelt einzutauchen. Die vielen Einschübe, die immer noch eine Information nachtragen und dazwischenschieben, machen den Text sperrig, immer wieder stolpert man beim Lesen über die Sätze. Man könnte das direkter erzählen.

Tobias: Ich empfinde die Erzählweise nicht wirklich als umständlich, sondern einfach sehr in die Details recherchiert. Anschaulichkeit, Präzision und Dichte des Textes, sagt hier Manfred Papst dazu. 

Ines: Ja, Papst spricht die leuchtende detaillierte Sprache an wie auch die gekonnte Verwendung vieler alter Fachbegriffe. Ich empfinde dieses Zeitkolorit als zu manieristisch.

Tobias: Ich habe immer das Gefühl, dass Steimann lange mit dem Text ringt. Auch im Gespräch mit Papst sagt er, er sei ein Zweifler und hinterfrage einen Text immer wieder von Neuem. Mir fällt auch auf, wie spröde der Text trotz des Detailreichtums letztlich wirkt, wortkarg und wortmächtig zugleich.

Ines: Wortkarg sind die Figuren. Beide sprechen wenig, Agatha ist ja stumm und Zenz sitzt isoliert im Gefängnis. Doch der Text ist nicht karg. Der Erzähler ist nicht schweigsam, er beschreibt genau und versucht, die Situation präzise einzufangen. Zu präzise, finde ich: Das Zelt ist fleckig, der Frack ist zerlumpt, der Teppich löchrig, der Dunst ist säuerlich, das Gras zertreten…

Tobias: Du hast recht, es gibt wohl kaum ein Substantiv ohne Adjektiv. Doch hat diese Anhäufung auch System. Auch Agatha ist eine Sammlerin, das, was sie findet, rettet ihr wohl das Überleben. Zenz sammelt Geräusche, Träume, Erinnerungen. Das alles steckt in diesem Text. Oder wie es Manfred Papst sagt: Was für ein Text, lieber Flavio Steimann! 

In Solothurn bei der Lesung nur zu hören: Flavio Steimann mit Krumholz. Wer ihn lesen hören und sehen will, wird beim Literaturhaus Zürich fündig (https://www.youtube.com/watch?v=ByXZgeIl4Xc).

De la liberté d’aller au bord

Après s’être intéressée au théâtre et à la dimension sonore de la poésie, l’auteure genevoise Isabelle Sbrissa se lance dans l’exploration spatiale de la page blanche. Dans Tout tient tout, elle fait alterner poésie verticale disloquée et poésie horizontale en prose privée de ponctuation. Elle agence lettres et espaces pour peindre un paysage poétique qui a l’audace de jouer avec les limites – et avec la liberté – du langage.

«On déchire le monde quand on le parle», affirme Isabelle Sbrissa. Selon elle, il faut porter une attention particulière aux mots que l’on utilise. Le langage n’est en effet jamais neutre. Il déconstruit immanquablement ce qu’il désigne: «Le langage disperse ce qui est sans lui uni». Avec Sbrissa, c’est au tour du langage d’être disloqué et dispersé, et cela autant sur le plan formel que sur le plan sonore. Travaillant sur la polysémie du morcellement des mots, elle fait émerger, au fil de la lecture, une multitude d’images qui se croisent et se superposent.

Cette expérimentation dislocatrice n’est cependant pas dépourvue de forme. La structure de l’œuvre est claire, la mécanique de dislocation est huilée… Est-ce là un aveu d’échec vis-à-vis de la tentative de dissolution du langage? Aurait-il fallu jouer l’anéantissement total des conventions pour aller au bout du processus ? Pas pour Sbrissa. L’auteure affirme que, plus qu’une restriction, toute forme nous offre la possibilité de jouer avec ses bordures et limites. L’auteure a dû accepter que, tout comme elle, l’œuvre littéraire doit être incarnée dans une forme. De l’acceptation d’être limitée, morcelée, partiale… peut ensuite jaillir la liberté.

Pour Marina Skalova, qui mène l’entretien, le texte de Sbrissa est particulièrement fort parce qu’on y sent une pensée en acte. L’auteure nous apprend que cette pensée libre et dynamique n’a été possible qu’après un long processus de libération du geste d’écriture: libération des attentes, des normes, des modèles, des idées préconçues, du jugement des autres. Dans le partage de sa littérature, de son geste d’écriture solitaire, Sbrissa veut transmettre l’envie de libération. On retrouve ces réfléxions dans le livre. En effet, Tout tient tout questionne non seulement le langage, mais aussi le geste d’écriture et son rapport à la littérature. Ainsi, l’objet littéraire s’interroge lui-même sous toutes ces facettes.

La lecture des différents passages en dit long sur la richesse du texte de Sbrissa. Chaque mot décomposé par la bouche de l’auteure amène son lot de surprises. Mais selon elle, l’expérience est bien plus riche à la lecture silencieuse. Au-delà de la vision de l’agencement du texte, le lecteur gagnerait à faire résonner les sons à l’intérieur de lui. Cela le ramènerait à une lecture en conscience où le sens qui surgit de la page se défait peu après, où tâtonnement et étonnement se suivent, où tout se construit puis se dissout… Une expérience de lecture qui promet d’être fluctuante.

Pellegrino dans la ville noyée

Le nouveau roman de Bruno Pellegrino, Dans la ville provisoire, se déroule dans la ville de Venise. Mais, ceux qui s’attendent à un roman hyper-mélancolique, plein de descriptions kitsch ne doivent pas se soucier. Non, cela n’est pas le but de Pellegrino. L’auteur cherche plutôt à examiner le temps ainsi que ce qu’il appelle le «flottement» transitoire entre les phases de vie. Pellegrino admet que lors d’un séjour à Venise, il n’a pas passé ses jours en admiration béate. C’est là pourtant la critique qu’il adresse à certains romans contemporains qui ont choisi cette ville fameuse comme décor. Pour éviter de telles associations, il a choisi de ne pas explicitement nommer la ville dans son récit.

Dans la ville provisoire commence avec le bruit d’une sirène d’alerte de crue. La vie quotidienne dans la ville de Venise étant influencée par la proximité avec l’eau, celle-ci est omniprésente dans le récit de Pellegrino, littéralement et métaphoriquement. Plusieurs scènes de ce roman se passent au bord de l’eau, mais c’est l’aspect symbolique du mouvement des vagues qui est essentiel. Pellegrino emploie cette image pour évoquer la transition d’une vie d’étudiant à une vie «d’adulte».

C’est dans une de ces «phases de flottement» que le lecteur fait la connaissance du narrateur-protagoniste. Après d’avoir terminé ses études, celui-ci décide d’accepter un travail à Venise. C’est là qu’il fera l’inventaire des papiers d’une fameuse traductrice et qu’il cherchera la réponse aux questions qu’il se pose: «Que puis-je faire de mon temps ?», «Que font les autres de leur temps ?», «Qu’est ce qui reste quand le temps s’est écoulé ?»

Le narrateur rompt avec sa vie antérieure et s’immerge complètement dans la liberté quasi absolue et dans la vie de la traductrice. Son travail n’est pas supervisé et il n’a aucune obligation au-delà de sa tâche. Bien que cela représente une situation extraordinaire pour ce jeune homme, Pellegrino travaille surtout avec des scènes du quotidien. Il cherche le développement personnel et la magie dans les scènes d’habillage et dans les buanderies. Cela donne au roman une dimension d’introspection particulière.

Pellegrino affirme: «J’ai créé ce texte comme une lente montée des eaux.» Et comme les eaux qui montent, le lecteur ne se rend pas compte qu’il est lentement pris par le charme du narrateur. La seule question qui subsiste alors est celle-ci: «Que fais-je de mon temps?»

Der Traum einer vielfältigen Literaturkritik

Verschwindet die Literaturkritik? Ist sie eine Kunstform? Wie sieht die Zukunft aus? Diesen Fragen gehen die Teilnehmer*innen des Branchengesprächs zur Literaturkritik nach.

Wer ist dabei? Tabea Steiner kennt die Literaturkritik aus unterschiedlichen Perspektiven – als Schriftstellerin, Literaturfestivalveranstalterin der Literaare und natürlich als Leserin.
Manuela Hofstätter ist gelernte Buchhändlerin und Bloggerin bei lesefieber.ch, wo sie regelmässig Buchbesprechungen veröffentlicht.
Anne Pitteloud ist Autorin, Journalistin und selbst Literaturkritikerin, die sich im Speziellen der Literatur der Romandie widmet.
Erwin Künzli ist Verleger beim Limmat Verlag und liest somit vor allem die Kritiken, die über die von ihm verlegten Bücher geschrieben werden.
Moderiert und geleitet wird das Webinar von Nicolas Couchepin, Präsident des A*dS und Fabiola Carigiet, Vorstandsmitglied des A*dS.

Definition von «Literaturkritik»

Vorab muss erstmal die Frage geklärt werden, was denn Literaturkritik sei. Manuela Hofstätter hat die passende Antwort aus dem Duden parat: Eine Kritik hat wissenschaftliches Fundament und soll ihren Erscheinungsbereich in einer renommierten Zeitschrift erhalten. Doch, wie allen schnell klar wird, fällt der letzte Teil zunehmend weg. Die Medienlandschaft verändert sich. Leser*innen haben andere Gewohnheiten, sie suchen ihre Inspirationsquellen im Internet, bei Blogs oder Podcasts. Gerade dies könnte, so Hofstätter, als Erfolg abgebucht werden. Sie selber findet aber eher, dass sie keine Kritikerin ist, die Rezensionen schreibt, sondern sieht sich eher als Sprachrohr der Autor*innen. Deshalb veröffentlicht sie auch Buchbesprechungen, also fasst die Bücher zusammen und gibt im Fazit ihr persönliches Feedback dazu ab. Dabei fokussiert sie sich auf jene Bücher, die sie wirklich mag und bespricht andere gar nicht erst. Allerdings würde sie sich einen kritischeren Blick durchaus wünschen.

Dies bringt Fabiola Carigiet dazu, einen Blick in die Vergangenheit zu wagen: Da habe es ja noch jene Kritikerpäpste wie Werner Weber oder Marcel Reich-Ranicki gegeben. Fehlten die heute nicht? Erwin Künzli erläutert, dass die Ursprünge der Literaturkritik in der Erziehung der Leserschaft lägen. Dieser Anspruch wurde aber nie aufgegeben. Nur würden heute unglaublich viele Bücher herausgegeben, da wertete die Literaturkritik bereits bei der Auswahl und schaffe so einen gewissen Kanon. Künzli freut sich aber auch, dass neue Bereiche wie die Germanistik die Literaturkritik für sich entdeckt haben. Ja, da freue ich mich, als Schreiberin dieses Textes, ansonsten hätte ich nie einen Kurs zur Literaturkritik an der Universität belegen können.

Tabea Steiner sieht, dass der Raum für Literaturkritik immer kleiner werde, auch jener für Verrisse, was sie als Germanistin bedauere. Andererseits findet sie es aber auch spannend, wie das Feld immer breiter werde. Es sei sehr divers und durch die Sozialen Medien wie Instagram könnten nun viel mehr Menschen mitreden. Aber auch die Buchhändlerin habe vielleicht einen Tipp oder eine Person aus dem Lesekreis schlage spannende Lektüre vor. Die Literatur werde zu einem gesellschaftlichen Diskurs, wobei immer noch dieselben Bücher besprochen würden und gerade die Lyrik zu kurz komme. Sie wünscht sich eine Emanzipation für das Feuilleton, dass die den Mut finden, nicht nur jenes aus den sozialen Medien zu besprechen. Anne Pitteloud hakt hier ein und bemerkt, dass sie versuche, genau dies zu tun. Sie schreibe über Bücher, die eher vergessen würden und nicht bekannt seien.

Literaturkritik als Kunstform

Ob Literaturkritik eine Kunstform sei, fragt Nicolas Couchepin. Für Anne Pitteloud ist dies ganz klar der Fall. Man müsse schliesslich schreiben können und versuchen, die Gefühle in Worte zu fassen. Das sei nicht einfach und gelinge nicht allen. Auch Tabea Steiner spricht von der Literaturkritik als Kunstform und meint, gerade deswegen sollten auch experimentelle Bücher besprochen werden. Sie weiss aber auch, dass die Branche unter grossem Druck stehe und nicht genügend finanzielle Mittel habe. Deshalb wirft Steiner die Frage in den Raum: Steigt die Wertschätzung, wenn die Schweiz einen Literaturkritikpreis hätte?

Und nun, was wünschen sich die Teilnehmer*innen für die Zukunft?
Wenn Anne Pitteloud es sich erträumen könnte, behielte sie ihre Freiheit, hätte aber mehr Mittel, Ressourcen und Raum zur Verfügung.
Manuela Hofstätter wünscht sich mehr Geschriebenes, mehr Zeitschriften und neue Wege der Unterstützung.
Erwin Künzli sieht, dass die Zeitungen kein Geld mehr haben und wünscht sich deshalb, dass die Werbung zurück zu der Zeitung gehe und sich diese wieder mit den Leser*innen verbündete. Eine Konsolidierung des Papiers gewissermassen.
Tabea Steiners Traum ist es, dass die Kritik so vielfältig werde wie die Literatur. Das breite Nebeneinander, denn es habe als Leser*in doch auch etwas Schönes, sich über ein Buch aufzuregen.

Das Fazit dieses Morgens lautet, dass alle die Kritiken in den Feuilletons sehr schätzen, jene aber mehr und mehr verschwinden, da die Medienlandschaft sich wandelt. Eine Zwickmühle also. Aber der Hoffnungsschimmer, das die Literaturkritik nicht ganz vom Erdboden verschluckt wird, bleibt.

Elke Heidenreich – so geht eine Lesung

Mit Kaffee und Laptop fühle ich mich eigentlich gut vorbereitet für das, was da kommen sollte. Doch ich habe mich geirrt. Nur mit Mühe gelingt es mir, den Laptop sicher und den Kaffee im Mund zu halten. Und das, obwohl das einsame Lachen vor dem Computer eine höhere Hemmschwelle hat als in Gesellschaft.

Die unglaubliche Präsenz von Elke Heidenreich macht sich schon bei dem kurzen Gespräch mit der Moderatorin bemerkbar und wird bei ihrer Lesung noch gesteigert. Mit Lust und Freude am eigenen Text weiss sie diesen in packender Art vorzutragen. Unterstrichen mit Gestik und gekonntem Einsatz der Stimme präsentiert sie einzelne Episoden aus ihrem neuen Werk «Männer in Kamelhaarmäntel». Sowohl ausgedachte als auch erlebte Geschichten finden sich in diesem Buch, alle verbunden durch das Thema der Kleider.

Heidenreich erzählt Hintergründe zu den gelesenen Episoden, unterbricht die Lesung, um andere Geschichten aus ihrem Leben und zu der von ihr getragenen Jacke zu erzählen. Ihre Befürchtung, dass dabei Langeweile hätte aufkommen können, wirkt bei dieser Abwechslung und Lebendigkeit völlig unbegründet. Doch der Entscheid, die Lesung durch Klavierstücke zu unterbrechen, ist dennoch sehr gut. Die Musikeinlagen unterstreichen die Stimmung noch zusätzlich.

Alles in allem ein äusserst gelungener Auftritt, über den es nicht mehr zu sagen gibt. Das Buch ist bestellt noch bevor der begeisterte Applaus verklingt. Ein Vorteil, wenn man bereits am Laptop sitzt.

Marc Fritschi hat der Lesung gelauscht.