Pellegrino dans la ville noyée

Le nouveau roman de Bruno Pellegrino, Dans la ville provisoire, se déroule dans la ville de Venise. Mais, ceux qui s’attendent à un roman hyper-mélancolique, plein de descriptions kitsch ne doivent pas se soucier. Non, cela n’est pas le but de Pellegrino. L’auteur cherche plutôt à examiner le temps ainsi que ce qu’il appelle le «flottement» transitoire entre les phases de vie. Pellegrino admet que lors d’un séjour à Venise, il n’a pas passé ses jours en admiration béate. C’est là pourtant la critique qu’il adresse à certains romans contemporains qui ont choisi cette ville fameuse comme décor. Pour éviter de telles associations, il a choisi de ne pas explicitement nommer la ville dans son récit.

Dans la ville provisoire commence avec le bruit d’une sirène d’alerte de crue. La vie quotidienne dans la ville de Venise étant influencée par la proximité avec l’eau, celle-ci est omniprésente dans le récit de Pellegrino, littéralement et métaphoriquement. Plusieurs scènes de ce roman se passent au bord de l’eau, mais c’est l’aspect symbolique du mouvement des vagues qui est essentiel. Pellegrino emploie cette image pour évoquer la transition d’une vie d’étudiant à une vie «d’adulte».

C’est dans une de ces «phases de flottement» que le lecteur fait la connaissance du narrateur-protagoniste. Après d’avoir terminé ses études, celui-ci décide d’accepter un travail à Venise. C’est là qu’il fera l’inventaire des papiers d’une fameuse traductrice et qu’il cherchera la réponse aux questions qu’il se pose: «Que puis-je faire de mon temps ?», «Que font les autres de leur temps ?», «Qu’est ce qui reste quand le temps s’est écoulé ?»

Le narrateur rompt avec sa vie antérieure et s’immerge complètement dans la liberté quasi absolue et dans la vie de la traductrice. Son travail n’est pas supervisé et il n’a aucune obligation au-delà de sa tâche. Bien que cela représente une situation extraordinaire pour ce jeune homme, Pellegrino travaille surtout avec des scènes du quotidien. Il cherche le développement personnel et la magie dans les scènes d’habillage et dans les buanderies. Cela donne au roman une dimension d’introspection particulière.

Pellegrino affirme: «J’ai créé ce texte comme une lente montée des eaux.» Et comme les eaux qui montent, le lecteur ne se rend pas compte qu’il est lentement pris par le charme du narrateur. La seule question qui subsiste alors est celle-ci: «Que fais-je de mon temps?»