Un chef-d’œuvre en gestation

Nous avons assisté, en ce cinquième Skriptor des Journées littéraires de Soleure, à une discussion enrichissante regroupant Cléa Chopard, Muriel Pic, Isabelle Sbrissa, Bruno Pellegrino, Laure Tuia et Victor Rassov portant sur Topolalie, un texte en gestation écrit par Cléa Chopard.

Le texte sera publié sous la forme de différents chapitres constituant une unité sémantique indépendante, mais qui communiquent entre eux et forment dans leur ensemble le sens complet de Topolalie

L’entrevue a débuté avec la lecture d’un extrait remanié du chapitre dix de Topolalie – «un texte qui ne se résout pas». 

L’œuvre est née d’une expérience de performance autour de la traduction et les différents enjeux de la voix – dans son décollement, son décalage et ses connexions – ainsi que du personnage de Della, dont l’autrice fait la rencontre à travers la lecture d’un article de psychanalyse où ce personnage fictif est instrumentalisé pour servir «à intégrer les traits distinctifs» de différentes pathologies psychologiques.

Dans Topolalie,  Della est «dépsychanalisée» pour former un support poétique sur lequel se posent des images troublantes : ainsi sa peau devient une frontière entre l’intérieur du corps et l’environnement qui l’entoure. La frontière de cette peau se brise, se fissure et se fluidifie pour laisser  «le dedans» se confondre avec «le dehors».  

Il est question d’une poésie inquiétante où la démesure règne pour signifier la non-limite entre les objets et les concepts, tout comme la frontière entre la signification de la parole et celle de la langue est floue. 

Les auteurs participant à la discussion ont exprimé leur émerveillement  face au talent de l’autrice : 

Cléa Chopard nous surprend avec un texte qui se laisse difficilement approcher, un texte «qui se gagne» selon Bruno Pellegrino. Victor Rassov souligne la complexité du texte et la beauté de ses «métaphores métamorphiques». Laure Tuia, quant à elle, trouve que Cléa Chopard a réussi à élaborer un texte insaisissable comme de l’eau qui file et fuit entre les doigts. 

Ainsi, lors de ce cinquième Skriptor de Soleure, Cléa Chopard s’est remplie d’inspiration pour terminer son ouvrage à notre grand plaisir, nous autres, ses lecteurs.

Le rap est une affaire KT Gorique

Soleure a vibré, ce samedi soir, au son lyrique d’une rime accordée avec grâce et panache. La rappeuse KT Gorique a ébloui son public avec son maquillage d’inspiration tribale et son style unique et authentique. 

La talentueuse KT Gorique a réussi à enflammer la scène et divertir son public, qui la suivait à distance.

Elle a interprété certains titres de son album Akwaba, son single Djessimi Djeka sorti la veille du concert ainsi que la Servante écarlate issu de son nouvel album, Heda, qui sera publié le 4 juin prochain.

KT Gorique était soucieuse de transmettre le sens de ses textes engagés à son public germanophone et n’a pas hésité à traduire en anglais certains passages clés de ses chansons au grand plaisir de celui-ci. Une véritable osmose s’est créée entre la jeune artiste et ses spectateurs en dépit de la pandémie et de ses contraintes.

Jeu de miroir

Nous avons assisté, ce matin, à un dialogue exquis entre prose et poésie animé par Prisca Agustoni et Bruno Pellegrino. Les deux auteurs ont mis «en dialogue»  leurs créations respectives dans une réflexion comparative soulevant les points de divergence entre deux genres littéraires, la prose et la poésie, et les points de convergence essentiellement thématiques, métaphoriques et philosophiques présents dans leurs œuvres respectives. 

Le recueil L’ora zero de Prisca Agustoni et le roman Dans la ville provisoire de Bruno Pellegrino prennent tous deux comme point central un lieu d’habitation, étranger et abandonné, pour construire une réflexion inquiète cherchant la sérénité et la quiétude.

Dans la ville provisoire est un roman qui retrace l’histoire d’un jeune homme parti à Venise pour faire l’inventaire des papiers et objets d’une célèbre traductrice qui s’est fait interner. Il se projette dans cette femme à travers ses écrits ainsi que les objets laissés derrière elle. 

Le recueil L’ora zero de Prisca Agustoni prend pour point central une maison étrangère ainsi que le jardin qui l’entoure pour construire une réflexion sur le temps, l’espace et les formes des objets contenus dans la maison. 

Dans les deux œuvres, l’observation de la nature dans sa dimension la plus ordinaire, des objets avec leurs traces d’usure révèlent un sentiment d’étouffement, d’angoisse, de solitude, d’insécurité voire de spleen.   

Ainsi, la prose de Bruno Pellegrino se fige et épouse la poésie de Prisca Agustoni pour enfanter une littérature hors genre capable de faire dialoguer ses réflexions, ses images et son mal-être.