Que demanderiez-vous à Molière ?

Essayez de l’imaginer. Vous venez de lire Le Misanthrope et vous vous retrouvez quelques heures plus tard en visioconférence avec Molière. Vous posez vos questions (souvent un peu universitaires) et il y répond très volontiers. Est-ce que ses réponses changeront votre première compréhension de la pièce ? A-t-il le pouvoir d’imposer son intention première ?

Une telle expérience de pensée soulève naturellement beaucoup de questions. En fait, je viens de la vivre. Alors évidemment, ce n’était pas pour Le Misanthrope et encore moins avec Molière (calmez-vous). Cette discussion s’est déroulée avec Pascal Janovjak au sujet de son dernier roman historique Le Zoo de Rome ; et je dois dire qu’avoir directement accès à la vision de l’auteur est un privilège heureux mais possiblement dangereux.

Passé l’instant intimidant „spécial COVID-19“ où l’on se retrouve face à une hydre virtuelle d’une quinzaine de visages inconnus, la discussion est vite devenue très riche et malgré tout naturelle. L’auteur a pu nous faire part de son processus de création, des tensions qu’il y a eu entre la recherche historique et la part de fiction ou encore de ses motivations originelles. Premier détail rassurant, j’ai aimé écouter parler l’auteur. Cela peut sembler banal, mais imaginez qu’après avoir lu les plus beaux alexandrins de Molière, ce dernier hésite, bégaie, que sa langue fourche. La désillusion ! Cette fois, le roman se lit bien et son auteur s’écoute bien. Dieu merci, pas d’ascenseur émotionnel. La seconde chose très appréciable chez Janovjak, c’est qu’il n’a imposé ni son intention, ni son point de vue. Nous pourrions naïvement penser qu’il est légitime pour un auteur de choisir la manière dont son roman doit être compris. Là, l’écrivain était bien humble face à sa création et ses personnages. Il faisait comprendre qu’il n’était pas Dieu et que ses protagonistes avaient une volonté propre au sein de la fiction. Mais en même temps, il expliquait aussi que, dans un souci de vraisemblance, il avait organisé son histoire de manière très rigoureuse. Nous voyons donc qu’une création artistique est un genre d’esclave indépendant, en même temps soumis et autonome. Évidemment, l’étudiant que je suis avait appris cela en cours (les trois fameuses intentio). Mais pour une fois, je le constatais réellement et concrètement. Face à cette leçon de modestie, je tâcherai à l’avenir d’être moins péremptoire dans mes interprétations.

À force de lire et d’étudier des textes vieux de plusieurs siècles, on oublie facilement (ou peut-être suis-je le seul) que la littérature est quelque chose d’actuel et que des romanciers, poètes ou dramaturges vivent parmi nous. Avec beaucoup de chance, ces écrivains feront partie un jour du canon littéraire francophone. Après tout, à un moment donné, Molière était un contemporain parmi d’autres. Par conséquent, avant que des académiciens exégètes de l’an 2420 leur confisquent la parole et en deviennent les uniques dépositaires, tendons-leur un maximum le micro.

Appel aux scientifiques et autres biologistes

Qui, lorsqu’il annonce étudier la littérature française (ou témoigne de son intérêt pour celle-ci), ne s’est pas entendu répondre, d’une voix soudainement hautaine et méprisante (pardon tonton) : “ Mais comment tu peux être sûr que l’auteur parle bien de sa dépression quand il dit qu’il ferme tous les rideaux noirs de sa maison ? Peut-être qu’il allait simplement dormir ? T’y as pensé à ça, hein ? Hein ?“

Aah les intentions de l’auteur, la portée des mots et l’interprétation de ceux-ci ! Tant de questions sur lesquelles se sont échiné.e.s de nombreux.ses étudiant.e.s dans le cadre de leur formation ou lorsqu’ils ou elles ont tenté de l’expliquer à leurs proches. Comment en effet être sûr.e.s de notre analyse ? Comment garantir que nous lisons le texte tel que l’auteur.e l’avait imaginé ? Comment ne pas tomber dans les affres de la surinterprétation ? Ne cherchez plus, il suffit de s’entretenir avec l’auteur.e du texte, sans doute la personne la mieux placée pour en parler ! Si cette solution miracle n’est pas toujours simple à mettre en place (a fortiori si on ne s’intéresse pas à la littérature contemporaine mais à des auteur.e.s mort.e.s uniquement), c’est ce que le «Club+ avec Pascal Janovjak» nous a permis de faire, en ce pluvieux soir de mai.

L’auteur s’est déplacé — non pas jusqu’à Soleure, mais devant son ordinateur — afin de „défendre“ son dernier roman sobrement intitulé Le Zoo de Rome. Il s’est volontiers prêté au jeu des questions et des réponses avec la quinzaine de participant.e.s présent.e.s, répondant autant à des interrogations très précises sur l’utilité de certains chapitres, que sur son processus créatif en général, de la collecte d’informations à la rédaction. Quel plaisir d’entendre un auteur parler de ses influences, de ses problèmes, des solutions trouvées et de ses réflexions avant et pendant la phase d’écriture. Si certaines idées — la structure générale du récit notamment —  sont le fruit d’une longue réflexion, il avoue que certaines inspirations lui sont tombées dessus, au détour d’une promenade dans un parc. Par ses explications honnêtes et convaincantes, Pascal Janovjak a levé quelques retenues que j’avais vis-à-vis de son texte. Grâce à cette discussion, j’ai compris certaines des décisions qu’il avait prises, lui qui attache tant d’importance à ne pas étouffer le lecteur sous un trop-plein d’informations, à lui laisser de la place pour percer lui-même certains mystères. Qu’il est bon de s’intéresser à la littérature contemporaine, à des auteur.e.s encore de chair et d’encre ! Qu’il est bon surtout d’avoir l’opportunité de discuter avec eux.

Je lance donc un appel urgent à tous les scientifiques, biologistes et autres ethnologues et anthropologues : recréez  — par les témoignages d’époque, les lettres, les textes ou que sais-je encore — l’intelligence, la pensée, la voix des grand.e.s auteur.e.s passé.e.s, qu’ils et elles puissent à leur tour passer à la broche de nos questions. Devenez des John Hammond de la littérature et, à défaut de Jurassic Park, faites-nous des Romantiques Park, des Naturalistes Park ou autres Lumiéric Park ! Je ne voudrais pas avoir l’air d’exagérer, mais faites vite, je vous prie. Je dois bientôt rendre des travaux sur Pernette du Guillet et Verlaine et j’aurais quelques questions à leur poser…

Jamais vu et souvent lu

Le voyage intime des traducteurs de Philippe Rahmy

Les choses continuent d’exister quand nous ne sommes pas là. Il suffit de les disposer avec soin pour que les autres les trouvent belles et s’en servent en notre absence. Écrire. Que sont les livres sinon la chambre vacante d’un écrivain parti en voyage dans ses histoires ?
(Philippe Rahmy, Béton armé)

En effet, les écrits de Rahmy, disposés avec soin ont su plaire. Luciana Cisbani, traductrice d’Allegra parle d’un coup de foudre de lecture, qui a déclenché l’envie de traduire le roman en italien. De même, Yves Raeber s’est beaucoup investi dans la traduction de Béton armé en allemand. 

Les deux traducteurs de Rahmy n’ont pas connu Philippe personnellement. Pourtant, ils le nomment par son prénom, parlent de lui comme d’un ami proche, de ses souffrances et de sa maladie, de la corporalité et du mystère de ses livres. 

Même s’il s’agit d’un auteur comme Rahmy, qui invite ses lecteurs chaleureusement à vivre en intimité avec ses livres, on peut s’interroger sur la possibilité et les limites de connaître quelqu’un à travers son écriture. 

Traduire permet de faire revivre un écrit, de le faire survivre. La traduction construit un pont qui permet au texte de dépasser son cadre original. Or, dans un premier temps le traducteur doit envisager le voyage dans le sens inverse, c’est-à-dire il lui faut enjamber le fossé là où il n’y a pas encore de pont. Un saut dans le vide, là où le traducteur suppose un fondement fécond du texte. Sur les traces fictionnelles de Béton armé, Yves Raeber a entrepris un voyage à Shanghaï. Pour rédiger Die Panzerung, il s’est plongé dans le décor dans lequel le livre original a vu le jour. Incontestablement une telle expérience crée de la proximité et accentue l’empathie du traducteur pour l’auteur. Néanmoins, cette proximité peut être trompeuse. Elle est construite unilatéralement et repose sur les dispositions et sensibilités personnelles du traducteur. C’est dans ce sens que Luciana Cisbani nous rappelle que le traducteur est amené à faire des choix et qu’il doit supporter que les autres possibilités ne se taisent jamais.

Lyrik gegen den steifen Nacken

Lydia Dimitrow lädt uns zu einer Verabredung besonderer Art ein, dem Lyrik Speeddating. Wie der Titel schon vermuten lässt, geht es um den schnellen Austausch zwischen den Teilnehmer*innen. Hierbei werden natürlich keine persönlichen Informationen ausgetauscht, sondern Lyrik. Ein Gedicht soll aus dem Französischen ins Deutsche übersetzt werden und dies recht zügig. Lydia, die selbst beruflich Gedichte aus dem Französischen und Englischen übersetzt, gibt uns einige Hinweise. Form und Inhalt seien nicht zu trennen, meint sie. Dabei bezieht sie sich auf Rüdiger Zymner und seinen Begriff des Attraktors. Wo die Wissenschaft rhetorische Stilmittel in Texten als Störung betrachtet, sieht Zymner fesselnde Auffälligkeiten. Diesen gilt es nun bem Übersetzen zu beachten. Wir legen los. 

Das französische Gedicht, das wir übersetzen, sieht so aus:

Et pourtant et pourtant 

la lumière sans discontinuer

passe et repasse ses plumes

sur nos nuques raidies

José-Flore Tappy: Terre battue suivi de Lunaires. Editions Empreintes, 2008

Zuerst versuchen wir eine «Lesewelle» zu machen. Das heisst, alle Teilnehmer*innen sollen der Reihe nach das französische Gedicht lesen. Eine Welle wird zwar nicht draus, aber am Schluss haben es alle einmal gelesen. Jetzt bekommen wir fünf Minuten, um es zu übersetzen. 

Wir übersetzen es so: 

Und trotzdem und trotzdem

streift das Licht unablässig

seine Federn wieder und wieder

über unsere steifen Nacken

(Mara)

Und doch

streift das Licht

immer wieder und wieder seine Federn

über unsere steifen Nacken

(Selina)

Nachdem wir alle unsere Gedichte vorgetragen haben, kriegen wir noch etwas Überarbeitungszeit. In einem zweiten Anlauf verwandeln sich unsere Texte. Das Licht wird zur Erkenntnis und das etwas melancholisch klingende «und doch» wird zum aufmunternden «Doch, doch!» 

Und trotzdem und trotzdem

Streift die Erkenntnis unablässig

ihre Federn wieder und wieder

Über unsere steifen Nacken

(Mara)

Doch, doch!

Das Licht streicht

wieder und wieder sein Gefieder

über unsern steifen Hals

(Selina)

Randnotiz: Es ist jetzt schwer, unsere Gedichte hier beim Schreiben nicht nochmals etwas zu überarbeiten. Aber wir tun’s nicht. Die sind echt, wir schwören. 

Wir lesen in einer Abfolge, die schon eher an eine Welle erinnert als am Anfang, unsere zweiten Versionen vor. Trotz anfänglicher technischer Schwierigkeiten kommen zum Schluss die verschiedensten Übersetzungen zusammen. Die Teilnehmer*innen stützen sich beim zweiten Versuch auf die Vorschläge der anderen und passen einige Sachen an. Trotzdem ist keine Übersetzung gleich wie die nächste. Diese Übung hat aufgezeigt, wie man als Übersetzer*in nicht nur mechanisch übersetzt, sondern ein Gedicht immer transponiert und so auch etwas Neues schafft. 

Text: Selina Widmer und Mara Baccaro

Traduttore, Autore !

À la lecture de Béton armé de Philippe Rahmy, le texte nous frappe. Le rythme est travaillé. La succession de phrases courtes, les séries de virgules et les phrases longues amènent au constat suivant : la ponctuation n’est pas laissée au hasard. On devine, sans connaître l’auteur, qu’il est poète. Viennent alors, quand on songe à la traduction possible, tant de questions : comment rendre les sonorités ? Comment conserver le rythme ? Comment rendre l’émotion ?

On arrive à la conférence, avec ces interrogations bien en tête. Mais rapidement, le couperet tombe. La vidéoconférence nous limite. Pas d’espace de discussion, pas de question. Le suspense est à son comble : est-ce que les traducteurs vont répondre à mes questions ?

La séance commence. On présente les intervenants. Pierre Lepori prend la parole et présente Luciana Cisbani, traductrice expérimentée travaillant pour de grands éditeurs italiens, puis Yves Raeber, décrit comme un homme de théâtre. Il s’est mis à la traduction français-allemand sur le tard.


Pierre Lepori présente alors au public un extrait de Béton armé, lu par l’auteur. Les questions reviennent. Les intuitions semblent se confirmer par la déclamation de l’auteur lui-même.

Les traducteurs commencent à rentrer dans le vif du sujet. Luciana Cisbani évoque son expérience avec Pardon pour l’Amérique. Je ne l’ai pas lu. Elle souligne son impression de foisonnement, de torrent de mots. Comme dans Béton armé. Il faut rendre le souffle, l’angoisse, l’engagement politique, le cheminement du texte. Bref, rendre l’émotion. Jouer avec une langue à la structure propre. Elle explicite alors : il faut qu’à la fin l’émotion soit là.

Yves Raeber, avec douceur, complète le propos. Il se décrit comme un artisan. Il explique que pour rendre cette émotion, surtout dans Béton armé, il a dû aller à Shanghaï. Il s’est imprégné de la ville. Usant du livre comme d’un guide, il ne cherchait pas tant Shanghaï que la ville décrite par Rahmy.

Puis, les traducteurs nous lisent des extraits. Luciana Cisbani ne fait pas le choix de l’épreuve : elle ne choisit pas, en premier lieu, un texte difficile à traduire. Non, elle préfère un texte central d‘Allegra, un passage qui explique le titre de l’oeuvre. Elle fait le choix du lyrisme. Son deuxième extrait est un incipit de Pardon pour l’Amérique. Lui aussi assez marquant : „À cinquante ans passés, j’en suis encore à croire à l’être humain“. À côté, six traductions possibles, aucune n’est satisfaisante pour rendre le sens, rendre le flou.

C’est au tour d’Yves Raeber. Son extrait de Béton armé est complexe. Entre tendresse et violence, le passage parle de la maladie de Philippe Rahmy : les os de verre. Yves Raeber pointe les difficultés de traduction. Le diable se cache dans les détails. „Die“ et „des“ ne sont pas égaux. Mais le déterminant indéfini allemand ne rend pas non plus l’idée. Cependant, il ne nous parle pas que des cas insolubles, mais aussi des victoires, des fiertés, comme „Buchstabensätze“ pour „les phrases“, dans „Les phrases se plantaient comme des tiges d’acier“. „Sätze“ ne suffisait pas. Le mot choisi est plus compact, plus fort. Il est à la hauteur du ressenti. Même cas pour le titre : „Panzerung“, le blindage.

Des trahisons ? Non, justement pas ! Le mot n’est pas au centre. C’est l’émotion qui prime. L’ouvrage subit une réécriture. Pierre Lepori lui dit lui-même: les traductrices et les traducteurs sont des autrices et des auteurs.

Tandis qu’en arrière-fond, j’entends les intervenants parler de leurs traductions futures ou du moins de leurs traductions rêvées, me revient à l’esprit cette phrase lue récemment : „Ne m’avait-on pas enseigné qu’écrire était une manière de lire, lire une manière d’écrire ?“ En tout cas, j’ai désormais la certitude que traduire est une manière d’écrire et une manière de lire.




Satzfetzen loswerden

Auch nach einer kalten Dusche und einem starken Kaffee schweben in meinem Kopf immer noch Satzfetzen vom gestrigen Literaturtag umher. Das ist ein kläglicher Versuch, sie loszuwerden:

Der Konflikt wird auf der sprachlichen Ebene ausgetragen.

Ich weiss immer, was mit Prinz Harry los ist, aber nicht, wie’s meinem Bruder geht.

Therapie ist eine Frage des Milieus.

Les Jeveux et les Geaidequoi mangeaient des sangliers rôtis.

Wurstsalat wurde leider nicht gewählt.

Ich habe hier einen Fressack vorbereitet.

Ja, vielleicht erstmal die anderen aussteigen lassen, bitte?

Je vais vite voir s’il y a un dessert.

Gained in Translation

Patricia Klobusiczky gewährt uns beim Werkstattgespräch «Gläserner Übersetzer» Einblick in ihre Tätigkeit als Übersetzerin. Sie übersetzt live eine Passage aus dem Buch Quand le diable sortit de la salle de bains (Als der Teufel aus dem Badezimmer kam) von Sophie Divry vom Französischen ins Deutsche. 

Nach einer etwas lang geratenen Anmoderation von Ruth Gantert, in der es vor allem um technische Zoom-Angelegenheiten geht, legt Patricia Klobusiczky los. Sie weist darauf hin, dass der Verleger Mühe hatte, die Auslandsrechte für dieses Buch zu verkaufen, da es von vielen Lektor*innen als unübersetzbar abgestempelt wurde. Dem widerspricht sie jedoch. Unübersetzbarkeit ist ein Mythos, meint sie. Die Frage sei nur, wie sehr man selbst beim Übersetzen zur Schriftstellerin werden muss oder darf.

Patricia Klobusiczky wirft zielstrebig Synonyme in die Runde, übersetzt Satz für Satz. Sie gibt zu, dass sie mit ihrer Übersetzung zufrieden ist, es aber immer noch Dinge gibt, die besser sein könnten. Die Schwierigkeit dieses Buches sieht sie darin, dass die Autorin mit den unterschiedlichsten Schreibstilen experimentiert. Im Absatz, dem sich unsere gläserne Übersetzerin im Rahmen dieses Gesprächs widmet, hat sich Divry gekonnt im mittelalterlichen Feudalstil ausgedrückt. Gespannt folgen wir Klobusiczkys Überlegungen, diese Sprache so ins Deutsche zu übertragen, dass sie die Stilmittel beibehalten und gleichzeitig unnötige Gallizismen vermeiden kann. Dem Gebrauch zu vieler Fremdwörter hat sie aus persönlicher Überzeugung weitestgehend abgeschworen. Scheinbar mühelos meistert sie diese Aufgabe, wobei sie nur an wenigen Stellen bei der Wortwahl stolpert. 

Hier kommen dann sogleich die Teilnehmer*innen des Gesprächs zum Zuge, immer wieder werden Vorschläge aus dem Publikum laut. Welche Klobusiczky dankend annimmt. Der Junker reitet hoch zu Pferde umher, schreibt sie. Eine Teilnehmerin schlägt vor, dass er doch auf hohem Ross umherreiten könnte. Sie denke dabei an den französischen Ausdruck « monter sur ses grands chevaux ». Klobusiczky lacht. Genau, jetzt wird’s lustig. So müsse man denken, gerade bei diesem parodistischen Text. 

Dann steht sie bei dem Satz an: « Les Jeveux et les Geaidequoi mangeaient des sangliers rôtis en parlant de leurs voyages en Italie au futur, de leurs possessions foncières au présent, de leurs glorieux mariages au passé composé. » Wie sollte sie «passé composé» übersetzen? Sie entscheidet sich für «Perfekt», ist aber nicht sicher. Eine weitere Teilnehmerin meint, dass sie das Perfekt eine geniale Lösung fände, da es auf das «perfekte» Leben des Adels anspiele und den ironischen Unterton treffe. Stimmt, findet Klobusiczky. Es sei eben nicht so, dass man beim Übersetzen zwingend etwas verliere. Im Gegenteil. Gained in Translation! Auch Übersetzungen können etwas Neues und Unerwartetes leisten.

Mara Baccaro und Selina Widmer

Peut-on parler de créolisation de la littérature suisse?

Quand on lit un texte écrit dans une autre langue, on a tendance à ne pas se poser de questions sur le rôle que joue le traducteur dans l’élaboration de l’oeuvre. La dernière chose qu’on fait, en lisant un nouveau roman, c’est de regarder le nom du traducteur. Son travail est d’habitude perçu comme un métier artisanal et technique plus que créatif. Cependant, on est bien d’accord que c’est lui qui, sur un nouveau terrain linguistique, peut assurer le succès du livre ou le mener à l’échec. En passant du code d’une langue à celui de l’autre, le traducteur transporte vers une autre réalité culturelle, où il fait face au défi de rester fidèle au texte original tout en l’adaptant à la réalité étrangère.

Cette tension entre le texte original et la traduction change quand un auteur bilingue décide de rédiger lui-même une œuvre en deux langues ou de traduire son propre texte déjà écrit dans une autre langue. D’une part, il est libre de modifier son texte, de changer sa structure ou d’approfondir certains passages. Mais peut-on alors encore parler d’auto-traduction ou plutôt d’un nouveau texte dans une autre langue?

C’est là une des questions qui ont été abordées hier lors d’un entretien entre la traductrice Lydia Dimitrow et deux écrivains bilingues franco-italiens, Silvia Ricci Lempen et Pierre Lepori. Ils ont évoqué les principaux défis qu’ils affrontent lors de la rédaction de leurs textes, les façons de se traduire, ainsi que des situations où ils préfèrent faire appel à des traducteurs. 

L’auto-traduction est un phénomène complexe. Parfois, les deux versions apparaissent avec un écart de temps plus ou moins important; parfois, il s’agit de la traduction d’un texte publié il y a longtemps. De l’extérieur, on ne connaît pas toujours la raison pour laquelle un auteur a initialement préféré telle langue à telle autre.

Silvia Ricci Lempen insiste sur le fait que parfois, quand elle travaille sur un nouveau texte, elle peut alterner entre ses deux langues et rédiger un passage en français tandis que l’autre sera en italien. Cette approche lui permet de déboucher sur une rédaction finale de deux „textes originaux“ qui peuvent connaître des variations importantes au niveau de la structure et du contenu. L’autrice affirme que « l’univers linguistique », les particularités du milieu où se passe l’histoire, l’âge des personnages sont si différents selon le code culturel français ou italien que pour atteindre la réalisation de son idée, elle est parfois obligée de réinventer complètement des éléments de l’histoire. Ce ne sont pas seulement les différences linguistiques qui imposent ces changements, mais surtout les différences culturelles qui doivent être prises en considération. 

Sa position est entièrement partagée par Pierre Lepori qui a l’habitude de dresser l’histoire principale en une langue et de la traduire ensuite vers l’autre, avant de passer à une rédaction plus détaillée de chaque version séparément. À la fin, les lecteurs découvrent deux textes avec une base commune, mais qui sont différents dans leur développement : chacun d’eux est un original. Parfois, entre les publications, il y a un décalage temporel considérable et l’auteur n’a plus la même vision du sujet qu’autrefois ou pense avoir trouvé une meilleure façon de toucher ses lecteurs.

Les deux auteurs, qui se connaissent et s’apprécient, tombent d’accord qu’il n’est pas toujours possible de trouver, dans des cultures différentes, des équivalents linguistiques qui évoqueraient chez les lecteurs des sentiments identiques. Selon eux, la tâche la plus difficile est d’intégrer de façon compréhensible des éléments d’une culture dans un univers linguistique étranger. La solution de Silvia Ricci Lempen est radicale. Au lieu de garder un passage difficilement explicable ou d’essayer de rajouter un commentaire, elle propose de l’enlever entièrement  ou le déplacer  à un autre endroit où il pourrait être mieux intégré. En modifiant la structure de son texte elle amène son lecteur à découvrir de nouveaux chemins.

Silvia Ricci Lempen avoue également que parfois elle choisit d’écrire son nouveau livre non pas en italien, qui est sa langue maternelle, mais en français, qui est sa langue de scolarisation. Cela lui permet de prendre de la distance, de choisir une autre posture par rapport à un sujet sensible, et de rédiger ainsi une „œuvre littéraire“ au lieu d’un cri du cœur.

Une autre question abordée lors de l’entretien porte sur la possibilité pour la littérature suisse de subir une „créolisation“.  Comme la Suisse est un pays au moins quadrilingue, peut-on parler de métissage linguistique au sein d’un texte chez les écrivains plurilingues? Les positions de deux auteurs divergent et la réponse reste ouverte. L’explication selon eux peut se trouver dans la différence de la maîtrise linguistique. Pierre Lepori par exemple, après avoir vécu une grande partie de sa vie adulte en Suisse romande, a développé un sorte de phénomène à la Nabokov: dans son français, appris à l’âge adulte, comme il le dit, il n’a pas atteint la perfection qu’aurait un locuteur natif, tandis que son italien après de longues années de vie à l’étranger a commencé à perdre l’habileté d’autrefois.  Pour cette raison, Lepori exprime plus d’ouverture à toutes sortes d’expériences avec les langues. Silvia Ricci Lempen, quant à elle, a vécu une expérience linguistique et socio-culturelle très différente, ce qui montre peut-être sa réticence à ce sujet. Parfaitement bilingue, elle  revendique deux langues maternelles qui forment deux univers linguistiques distincts, dont elle a envie d’explorer et d’exploiter les spécificités à fond.

Performance littéraire : un jukebox fait de textes

Édition en ligne oblige, les règles du Jukebox littéraire se réinventent quelque peu. Pas de jeton, pas de scène, mais un espace informatique formé d’un chat animé, de présentateurs motivés, et d’auteur.trices inspiré.e.s. Pour preuve, pas moins de 92 mots ont été proposés dans la soirée : l’imagination des internautes s’est manifestée ! 16 d’entre eux ont été sélectionnés et soigneusement introduits par le talent musical d’Adrien Gygax. Antoinette Rychner, Odile Cornuz, Tanasgol Sabbagh et René Frauchiger nous ont alors offert 26 extraits de leurs textes.

Internautes et auteur.trices découvrent la sélection en même temps. Très vifs, les quatre invités ne laissent jamais à Adrien Gygax le temps de terminer ses chansons. L’exercice se révèle dynamique, divertissant et toujours surprenant. Derrière nos écrans, nous avons beau connaître le mot choisi, le contexte dans lequel il apparaît est la curiosité qui ne demande qu’à être comblée. „Palabre“ nous renvoie à la pauvreté et son intégration, „framboise“ à des questions de politesse, „autruche“ à ce terme – encore inaccepté par des esprits un peu étroits – qu’est autrice. Mais l’exercice n’est pas que francophone.

Sinneswandel, détour, sardonisch, sourcil, Rinnsal … mots allemands et mots français s’enchaînent, les langues s’entremêlent, causant parfois un léger embarras aux „animauteurs“, Adrien Gygax et Rafael Blatter – merci la polyphonie. Cette remarque, même si minime sur l’ensemble de la soirée, n’est pas sans importance. Non seulement les questions de traduction sont très présentes dans cette 42ème édition des Journées littéraires de Soleure, mais elles sont surtout à joindre à la lecture et à l’écoute des textes proposés. Deux germanophones et deux francophones „s’affrontent“ dans ce Jukebox, les textes lus sont donc autant en allemand qu’en français. Une question se pose alors à certain.e.s spectateur.trices : comment apprécier leur performance de lecture lorsqu’on ne comprend pas l’une des deux langues ? Moi-même – malgré toutes ces années de cours d’allemand – me trouvai parfois embarrassée face à certains textes. Je partis à la pêche aux mots connus, tentant ensuite de traduire certaines expressions par addition de ces termes bienvenus. Je m’embourbe, perds le fil, abandonne … et finis par comprendre.

É-cou-ter !

Le but même du Jukebox littéraire : découvrir des textes en écoutant leurs auteur-trices. Leurs lectures sont des performances. Tonalité, volume, expressions du visage, mouvements des mains forment un réseau d’indices sur le contenu de leurs textes – petit clin d’oeil spécial à Tanasgol Sabbagh qui a même chanté au mot „mélopée“. L’exercice se révèle être un véritable réveil des sens.

Entre surprise, créativité et sensibilité, le jukebox littéraire dévoile toute sa richesse.

Augenbrauen inspirieren

Den Abschluss eines geistreichen Tages in der Welt der Literatur verbringen wir in der Kneipe und lassen uns von der Jukebox Littéraire berieseln. Schade nur, dass unsere Textwünsche nicht ausgespuckt wurden. 

Das Konzept ist einfach. Das Publikum tippt ein Wort in die Tasten, die Regie wählt aus der Fülle aus, die Autor*innen werden zu einer Lesung inspiriert und suchen so schnell wie möglich einen passenden Text. Dabei sind heute die Initiantinnen des Formats Odile Cornuz und Antoinette Rychner sowie Tanasgol Sabbagh und René Frauchiger. Für den musikalischen Teil zwischen den Lesungen sorgt Adrien Gygax.

Ein ausgewähltes Wort ist die Augenbraue. Dazu haben gleich drei Autor*innen einen Text zu bieten. Augenbrauen inspirieren anscheinend. Auf die Texte folgt wieder ein Lied und auf das Lied wieder ein Wort und auf das Wort die nächsten Texte.

Für zwanzig Minuten ist dieses Format lustig. Danach wird es aber trotz Ukulele-Intermezzo und bunter Grafik etwas langatmig. Monika kommentiert noch rege weiter und wirft Begriffe in die Runde. Rar, Laktose, Lachgas. Aber wir sind dann irgendwann doch am Schluss angelangt. Wurstsalat wurde nicht gewählt, aber das macht nichts. 

Den vielen lachenden Gesichtern auf dem Bildschirm nach zu schliessen, hatten die Autor*innen und Moderatoren Spass. Wir übrigens auch. Und der Spass, das ist doch das wichtigste bei so einer Jukebox, oder?

Laura Barberio und Selina Widmer