Performance littéraire : un jukebox fait de textes

Édition en ligne oblige, les règles du Jukebox littéraire se réinventent quelque peu. Pas de jeton, pas de scène, mais un espace informatique formé d’un chat animé, de présentateurs motivés, et d’auteur.trices inspiré.e.s. Pour preuve, pas moins de 92 mots ont été proposés dans la soirée : l’imagination des internautes s’est manifestée ! 16 d’entre eux ont été sélectionnés et soigneusement introduits par le talent musical d’Adrien Gygax. Antoinette Rychner, Odile Cornuz, Tanasgol Sabbagh et René Frauchiger nous ont alors offert 26 extraits de leurs textes.

Internautes et auteur.trices découvrent la sélection en même temps. Très vifs, les quatre invités ne laissent jamais à Adrien Gygax le temps de terminer ses chansons. L’exercice se révèle dynamique, divertissant et toujours surprenant. Derrière nos écrans, nous avons beau connaître le mot choisi, le contexte dans lequel il apparaît est la curiosité qui ne demande qu’à être comblée. „Palabre“ nous renvoie à la pauvreté et son intégration, „framboise“ à des questions de politesse, „autruche“ à ce terme – encore inaccepté par des esprits un peu étroits – qu’est autrice. Mais l’exercice n’est pas que francophone.

Sinneswandel, détour, sardonisch, sourcil, Rinnsal … mots allemands et mots français s’enchaînent, les langues s’entremêlent, causant parfois un léger embarras aux „animauteurs“, Adrien Gygax et Rafael Blatter – merci la polyphonie. Cette remarque, même si minime sur l’ensemble de la soirée, n’est pas sans importance. Non seulement les questions de traduction sont très présentes dans cette 42ème édition des Journées littéraires de Soleure, mais elles sont surtout à joindre à la lecture et à l’écoute des textes proposés. Deux germanophones et deux francophones „s’affrontent“ dans ce Jukebox, les textes lus sont donc autant en allemand qu’en français. Une question se pose alors à certain.e.s spectateur.trices : comment apprécier leur performance de lecture lorsqu’on ne comprend pas l’une des deux langues ? Moi-même – malgré toutes ces années de cours d’allemand – me trouvai parfois embarrassée face à certains textes. Je partis à la pêche aux mots connus, tentant ensuite de traduire certaines expressions par addition de ces termes bienvenus. Je m’embourbe, perds le fil, abandonne … et finis par comprendre.

É-cou-ter !

Le but même du Jukebox littéraire : découvrir des textes en écoutant leurs auteur-trices. Leurs lectures sont des performances. Tonalité, volume, expressions du visage, mouvements des mains forment un réseau d’indices sur le contenu de leurs textes – petit clin d’oeil spécial à Tanasgol Sabbagh qui a même chanté au mot „mélopée“. L’exercice se révèle être un véritable réveil des sens.

Entre surprise, créativité et sensibilité, le jukebox littéraire dévoile toute sa richesse.

Augenbrauen inspirieren

Den Abschluss eines geistreichen Tages in der Welt der Literatur verbringen wir in der Kneipe und lassen uns von der Jukebox Littéraire berieseln. Schade nur, dass unsere Textwünsche nicht ausgespuckt wurden. 

Das Konzept ist einfach. Das Publikum tippt ein Wort in die Tasten, die Regie wählt aus der Fülle aus, die Autor*innen werden zu einer Lesung inspiriert und suchen so schnell wie möglich einen passenden Text. Dabei sind heute die Initiantinnen des Formats Odile Cornuz und Antoinette Rychner sowie Tanasgol Sabbagh und René Frauchiger. Für den musikalischen Teil zwischen den Lesungen sorgt Adrien Gygax.

Ein ausgewähltes Wort ist die Augenbraue. Dazu haben gleich drei Autor*innen einen Text zu bieten. Augenbrauen inspirieren anscheinend. Auf die Texte folgt wieder ein Lied und auf das Lied wieder ein Wort und auf das Wort die nächsten Texte.

Für zwanzig Minuten ist dieses Format lustig. Danach wird es aber trotz Ukulele-Intermezzo und bunter Grafik etwas langatmig. Monika kommentiert noch rege weiter und wirft Begriffe in die Runde. Rar, Laktose, Lachgas. Aber wir sind dann irgendwann doch am Schluss angelangt. Wurstsalat wurde nicht gewählt, aber das macht nichts. 

Den vielen lachenden Gesichtern auf dem Bildschirm nach zu schliessen, hatten die Autor*innen und Moderatoren Spass. Wir übrigens auch. Und der Spass, das ist doch das wichtigste bei so einer Jukebox, oder?

Laura Barberio und Selina Widmer

L’auteur·e comme un jukebox

Hors du contexte inouï d’un confinement national, il est une vérité que l’on peine aujourd’hui à s’avouer : On n’a plus le temps de lire. « Hobby » dans tout Curriculum Vitae qui veut « faire bien », la lecture se résume pourtant bien souvent aux fameuses cinq-minutes-avant-de-se-coucher. À l’ère du tout tout de suite, force est de constater que peu nombreux·ses sont celles et ceux qui peuvent encore prétendre lire ne serait-ce qu’une heure hebdomadairement.

Mais le but ici n’est pas de jeter la première pierre, car bien souvent j’ai moi-même laissé ma dernière acquisition littéraire prendre la poussière à mon chevet, ou pis : l’ai rangée dans l’éternelle et immuable pile de livres à lire. L’intérêt au contraire est plutôt de revoir notre approche de la lecture et de se demander : et si ouvrir un bon bouquin ne signifiait plus forcément s’extraire du quotidien pour plonger seul·e dans un monde imaginaire ? Et si on lisait autrement ?

C’est ce que le Jukebox littéraire se propose de faire. Introduit en France par David Lescot, le projet déboule en Suisse romande avec, pour cheffes de files, les deux autrices neuchâteloises Antoinette Rychner et Odile Cornuz. Contrairement à une lecture publique à laquelle on assiste pour écouter notre auteur·e favori·e lire un livre que l’on connaît déjà, le jukebox littéraire offre une multiplicité d’auteur·es, de textes et surtout une véritable interaction avec ceux-ci.

Le concept est simple : plusieurs auteur·es font face à un public, équipé·es de leurs écrits personnels, format papier ou virtuel, publiés ou non. Le tout forme ainsi leur répertoire littéraire à portée de main — voire à portée de mémoire —, dans lequel ils ou elles pourront aller piocher. Piocher quoi ? À vous de leur dire ! Muni d’un jeton, chaque membre du public a droit de proposer un mot, à partir duquel les auteur·es chercheront une musique à vous jouer, un texte personnel à vous lire. Le temps de recherche est agrémenté d’une improvisation musicale proposée par un musicien-animateur. C’est à l’auteur·e qui trouve en premier, que revient la faveur de lire son morceau, de performer son texte. L’auteur·e comme un jukebox.

D’un instant à l’autre, on saute ainsi de la « cacophonie » à l’« euthanasie », en passant par l’« andouillette ». Que le mot apparaisse ou non dans l’extrait, cela n’a pas d’importance : les auteur·es procèdent par moteur de recherche ou par association libre, le tout promettant des expériences de lecture aussi surprenantes que variées. Entrant en résonance avec les scènes slam ou encore le théâtre d’improvisation, les auteur·es boxent ici avec des mots proposés par le public.

Envie de lire autrement donc ? Venez participer, ce soir, à cette expérience interactive et éphémère, à cheval entre la performance, le jeu et le spectacle. Organisé par les Journées littéraires de Soleure, ce Jukebox littéraire réunira quatre auteur·es, un musicien et un animateur-modérateur sur scène virtuelle (confinement oblige !). Tout ce dont vous aurez besoin se résume donc à une connexion internet et un peu de curiosité, avant de lancer depuis votre canapé cette lecture interactive en streaming.

À vos jetons !

Caroline Gaillard

Jukebox littéraire (de/fr) ce vendredi 22 mai 2020, dès 21h00
(ouverture du stream à 20h45), entrée libre et gratuite


Auteur·es: Antoinette Rychner, René Frauchiger, Tanasgol Sabbagh et Odile Cornuz
Musique: Adrien Gygax; Modération: Rafael Blatter

Plus d’informations sur : https://www.literatur-online.ch/programm/