Appel aux scientifiques et autres biologistes

Qui, lorsqu’il annonce étudier la littérature française (ou témoigne de son intérêt pour celle-ci), ne s’est pas entendu répondre, d’une voix soudainement hautaine et méprisante (pardon tonton) : “ Mais comment tu peux être sûr que l’auteur parle bien de sa dépression quand il dit qu’il ferme tous les rideaux noirs de sa maison ? Peut-être qu’il allait simplement dormir ? T’y as pensé à ça, hein ? Hein ?“

Aah les intentions de l’auteur, la portée des mots et l’interprétation de ceux-ci ! Tant de questions sur lesquelles se sont échiné.e.s de nombreux.ses étudiant.e.s dans le cadre de leur formation ou lorsqu’ils ou elles ont tenté de l’expliquer à leurs proches. Comment en effet être sûr.e.s de notre analyse ? Comment garantir que nous lisons le texte tel que l’auteur.e l’avait imaginé ? Comment ne pas tomber dans les affres de la surinterprétation ? Ne cherchez plus, il suffit de s’entretenir avec l’auteur.e du texte, sans doute la personne la mieux placée pour en parler ! Si cette solution miracle n’est pas toujours simple à mettre en place (a fortiori si on ne s’intéresse pas à la littérature contemporaine mais à des auteur.e.s mort.e.s uniquement), c’est ce que le «Club+ avec Pascal Janovjak» nous a permis de faire, en ce pluvieux soir de mai.

L’auteur s’est déplacé — non pas jusqu’à Soleure, mais devant son ordinateur — afin de „défendre“ son dernier roman sobrement intitulé Le Zoo de Rome. Il s’est volontiers prêté au jeu des questions et des réponses avec la quinzaine de participant.e.s présent.e.s, répondant autant à des interrogations très précises sur l’utilité de certains chapitres, que sur son processus créatif en général, de la collecte d’informations à la rédaction. Quel plaisir d’entendre un auteur parler de ses influences, de ses problèmes, des solutions trouvées et de ses réflexions avant et pendant la phase d’écriture. Si certaines idées — la structure générale du récit notamment —  sont le fruit d’une longue réflexion, il avoue que certaines inspirations lui sont tombées dessus, au détour d’une promenade dans un parc. Par ses explications honnêtes et convaincantes, Pascal Janovjak a levé quelques retenues que j’avais vis-à-vis de son texte. Grâce à cette discussion, j’ai compris certaines des décisions qu’il avait prises, lui qui attache tant d’importance à ne pas étouffer le lecteur sous un trop-plein d’informations, à lui laisser de la place pour percer lui-même certains mystères. Qu’il est bon de s’intéresser à la littérature contemporaine, à des auteur.e.s encore de chair et d’encre ! Qu’il est bon surtout d’avoir l’opportunité de discuter avec eux.

Je lance donc un appel urgent à tous les scientifiques, biologistes et autres ethnologues et anthropologues : recréez  — par les témoignages d’époque, les lettres, les textes ou que sais-je encore — l’intelligence, la pensée, la voix des grand.e.s auteur.e.s passé.e.s, qu’ils et elles puissent à leur tour passer à la broche de nos questions. Devenez des John Hammond de la littérature et, à défaut de Jurassic Park, faites-nous des Romantiques Park, des Naturalistes Park ou autres Lumiéric Park ! Je ne voudrais pas avoir l’air d’exagérer, mais faites vite, je vous prie. Je dois bientôt rendre des travaux sur Pernette du Guillet et Verlaine et j’aurais quelques questions à leur poser…