Ce qui reste quand tout précipite

Le reste est ce dont le tout n’a pas voulu ; dans Bonsaï, le tout est ce dont le reste s’est passé. « Où vient l’idée d’une lecture de la chose autre, dans son manque. »

Pour son dernier recueil, Baptiste Gaillard mite sa tapisserie textuelle de phrases inachevées, à la syntaxe délibérément bancale. La poésie fait vibrer les textures et se déploie en de courtes compositions qui donnent à l’inerte un mouvement et rendent l’inanimé vivant. Le tout, difficilement perméable, flotte, lourd et léger, entre les pages et nos yeux qui se demandent ce qu’ils comprennent en regardant sans voir, mais en voyant aussi peut-être ce qu’ils ne regardent pas.

Bonsaï renverse la logique de l’économie qui veut que l’on se prive du prétendu superflu pour mieux appréhender l’essentiel. « La mise au net peut se faire au contraire, avec élimination du principal et conservation des traces en périphérie. Des formes lacunaires à considérer comme une autre manière de voir le même. »

Pour Baptiste Gaillard, rencontré à l’ombre d’un arbre entre l’Aar et les vélomoteurs, ces poèmes en prose sont aussi des essais, au sens de tentatives, où le texte parle du monde tout en parlant de lui-même et se contorsionne au gré d’exigences impérieuses : l’observateur s’efface au contact de la matière en mutation que convoque une plume précise jusqu’à l’indécision.

Ambivalent, mal ajusté, indénouable, Bonsaï est un livre exigeant qui trouve son générateur – et l’origine de son déploiement – à sa toute fin : il est une forme contrainte qui rend une image miniature d’une espèce naturelle ; « de nouvelles impulsions non jugulées rendent au spécimen son naturel. » C’est ainsi que l’art déborde la forme, que l’agitation l’épuise.

Et puis l’agitation passe ; les restes sont constellés de fulgurances. On peut enfin le comprendre. « Comment quelque chose advient de l’abandon. »

Baptiste Colombara

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