Facétieux invité transatlantique

Après la rencontre avec l’imposant Nedim Gürsel, voici l’entrevue avec Joey Goebel. Petit contexte pour ceux qui ne le connaîtraient pas : Goebel est un écrivain américain originaire du Kentucky à l’humour mordant et à la satire délicieuse. Il adore tourner en dérision certaines traditions et valeurs de son pays. Malheureusement pour nous, ses livres ne sont pas encore très connus en Suisse romande ou dans le monde francophone mais il a d’ores et déjà réussi à conquérir les cœurs des germanophones. L’entretien se termine avec son guide ? son agent ? qui l’emporte au loin pour sa lecture.

Lecture qu’il n’aurait pas fallu manquer car l’écrivain sait laisser parler son humour et son talent de performer ! Il commence par aborder son expérience de professeur dans une high school du Kentucky et évoque une mésaventure personnelle quant au sens de la fameuse proposition Netflix and chill qu’il ne cessait de répéter à ses étudiants de 15 ans; je laisse aux non-initiés aller chercher son sens et rire du quiproquo ! Grâce à cette anecdote, nous constatons à quel point son métier, et plus particulièrement ce contact permanent avec la jeunesse est central dans sa vie et ses écrits. Le modérateur continue son interview et interroge Goebel sur la politique américaine. L’Américain expose clairement son opinion et montre encore une fois l’étendue de son talent : l’imitation de Trump est particulièrement bien réussie, il ne manque plus qu’une perruque.

Ensuite, de sa voix riche et profonde, Goebel enchaîne avec un extrait d’un de ses livres. Hypnotique, sa voix berce le public qui se prend au récit. Malheureusement, la lecture se termine trop rapidement sur les applaudissements de la foule. Nous aurions bien apprécié qu’il nous lise l’entièreté de son livre. Son jeune fils a bien de la chance d’avoir un tel père qui lui fait la lecture avant le coucher…

La salle se vide, le soleil baisse, mais le flux constant des badauds venus pour la 41ème édition des Journées Littéraires de Soleure ne faiblit pas même si la journée s’achève.

 

Marie Maury

Rencontre avec Maylis de Kerangal

Après un long trajet en train et de multiples retards, je débouche enfin sur la verdoyante plaine soleuroise. Ce doux vallonnement laisse bientôt place à l’Aare qui m’entraîne vers la petite ville ensoleillée où les badauds trempent leurs pieds dans le courant, une bière à la main. Le centre est calme, la circulation réduite au minimum et les terrasses ombragées sont nombreuses. Le béton se transforme en pavé et bientôt en gravier. J’arrive au Solheure où Maylis de Kerangal se restaure. Comme la suite de ma journée le confirmera, l’écrivaine a fait un bon choix culinaire ; la nourriture y est simple mais bonne.

Maylis de Kerangal se présente avec modestie et m’accorde un entretien malgré un emploi du temps chargé : dans 40 minutes, elle doit faire sa lecture devant une salle attentive. Notre échange est bref mais très instructif, car de sa voix douce elle me parle de son livre avec conviction. Sa conception du monde se reflète dans Un monde à portée de main, roman d’apprentissage qui concerne une jeune femme peintre. Maylis de Kerangal me parle du mérite de l’expérience première, de la sensation immédiate, de ce moyen d’accès prioritaire au monde qui nous entoure et où le sens n’est pas toujours à découvrir. Souvent il se donne tel quel, simplement. C’est cet intérêt pour le concret dans nos vies qui se retrouve dans le parcours de la protagoniste, car la jeune faussaire prend les matières à pleines mains pour reconstituer des trompe-l’œil saisissants et revient ainsi aux bases de l’acte créateur.

Le temps file, l’entrevue se poursuit et la terrasse ne se désemplit pas mais l’écrivaine doit partir et m’accorde une ultime question avant de s’éclipser. J’ai gardé la meilleure question pour la fin : pourquoi ce style d’écriture si particulier qui mélange descriptions et dialogues ? À sa base, une volonté de décloisonner l’oral de l’écrit, de les traiter comme un seul écosystème ; refus de la mise en scène artificielle d’une oralité qui n’existe pas dans notre vie, car l’interaction constante entre description et oral contribue à donner une signification aux scènes et aux personnages.

 

Marie Maury

Notre équipe à Soleure: Marie Maury

Marie Maury est née en 1995. Diplômée en Bachelor dans les domaines d’Histoire contemporaine et d’Anglais seulement cet été 2019, elle a d’ores et déjà pris de l’avance et débuté son Master en Français et Anglais. Passionnée de littérature et d’histoire, elle a cependant dû faire un choix et s’est décidée à explorer la littérature francophone et anglophone au détriment de l’Histoire (qui demeure toutefois dans son cœur).