Forces centrifuge et centripète

Un festival de littérature n’est-il pas toujours un achoppement du souffle ? Ballotés au fil d’un programme chargé, victimes consentantes d’une force centrifuge qui constamment nous jette hors de nous-mêmes dans une succession folle de rencontres et de découvertes, on est en même temps conduits à reconsidérer notre intimité et notre rapport au monde dans un mouvement centripète : car le festival est littéraire, et ménage donc des lectures, des partages.

Arrivé ce matin à Soleure, et découvrant avec plaisir que les distances, à taille humaine, vont nous aider à nous mouvoir dans ce rythme étrange auquel il va falloir nous habituer rapidement, j’assiste à mes deux premiers évènements : Baptiste Gaillard d’abord qui nous lit avec une grande précaution quelques pages de son Bonsaï, puis Odile Cornuz, avec laquelle je passerai une heure à discuter de sa dernière publication : Ma ralentie.

S’arracher de soi et se porter vers l’extérieur, exercer minutieusement son regard sur le dehorsen tentant de ne jamais perdre les surfaces, les matières : Baptiste Gaillard semble se situer du côté du mouvement centrifuge. Voulant faire proliférer l’« impermanence des fixations », il redéploye constamment son regard, jusqu’à ce que cette effusion descriptive s’essouffle et qu’il lui faille couper court : alors il rompt le texte, le coupe, laisse des blancs. Ces blancs qui devraient marquer une « réticence », un retour vers soi ?

Odile Cornuz, quant à elle, par son travail sur la langue s’efforce activement à combattre l’hyperactivité à laquelle le Monde semble nous contraindre, Monde qui nous entraînerait paradoxalement à une certaine passivité, à un certain aveuglement. Elle se concentre alors sur les affects qui la pénètrent et remettent en question la frontière entre le dedans et le dehors, sur les traces de Michaux.

Forces centrifuge et centripète : trouver la juste intensité entre ces deux forces, entre la description objective de Gaillard et les résonances intérieures de Cornuz, voici à quoi m’invitent ces journées littéraires. Rien, au fond, de bien extraordinaire, que cette constante négociation.

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