Nedim Gürsel: un auteur turc à Soleure

Nedim Gürsel est un universitaire chevronné le vendredi et un romancier rêveur le samedi.

Vendredi, Nedim Gürsel entame sa journée avec un entretien pour Le Temps – il me précisera, amusé, qu’une page entière sera dédiée à sa personne et à son œuvre – puis une lecture longue à treize heures, une lecture brève à quinze heures trente : il définit cette première journée de « marathon » organisé et chronométré.

Samedi, quinze heures, l’imposant Nedim Gürsel est attablé sur une terrasse bondée avec quelques amis. Difficile de ne pas remarquer son grand sourire lorsque je m’approche de lui pour le saluer : il s’empresse de me trouver une chaise et m’invite à prendre place avec lui et ses invités. Dès les premiers instants, je suis inclue dans le cercle d’amis d’un auteur de plus de quarante ouvrages – même pas peur! Je pose alors mon portable entre nous deux pour enregistrer l’entretien et nous lance dans une conversation de près d’une heure.

 

  • Dans vos œuvres, vous faites de nombreuses références à la religion musulmane. Quelle est votre position face à cette religion ? Et votre point de vue face à toutes les religions du monde ?

« Dans un siècle comme le nôtre, la religion est incontournable ». En effet, Nedim Gürsel m’explique que la religion fait partie de notre monde, de nos pensées et de notre manière d’agir, c’est pourquoi il est quasiment impossible d’en faire abstraction.

Nedim décrit son rapport à l’Islam comme « conflictuel ». Pendant les jeunes années de sa vie, l’auteur turc est élevé par son grand-père pieux et reçoit donc une éducation religieuse. Plus tard, à l’âge adulte, il se considère comme athée et c’est seulement depuis quelques années qu’il s’intéresse à nouveau à l’Islam : l’âge a fait de lui un homme sceptique. « Je ne m’intéresse pas à la religion sur le plan de la foi, qui est personnelle, mais j’interroge la foi comme un homme curieux de l’histoire des religions ».

 

  • Comment défendez-vous vos œuvres face à la Turquie lorsque le gouvernement juge vos œuvres blasphématoires ?

« La gouvernement turc se réfère à l’Islam, ce qui est une transgression à la Constitution du pays ; le Président lui-même ne respecte pas la Constitution alors qu’il est censé être le garant de celle-ci ». Dans ses écrits souvent très critiques envers le gouvernement turc, Nedim Gürsel dit simplement « ce qu’il pense ». Tous les jours, il se bat contre ce gouvernement qui contrôle tout, ce gouvernement qui refuse de progresser et qui ne permet pas la liberté d’expression car il craint la force de la parole poétique. Dans ce pays, les médias ne parlent qu’à travers une seule voix qui est celle du gouvernement, et plus précisément celle du Président.

 

  • Comment la Turquie peut-elle progresser, d’après vous ?

Nedim Gürsel appelle à une laïcité qui permettrait au gouvernement d’être réellement démocratique et objectif. Un État musulman ne peut être un État démocratique puisqu’il ne respecte pas la diversité et ne revendique pas la laïcité dans sa politique. Il précise qu’il n’est pas critique vis-à-vis de son pays, auquel il reste fidèle, mais il est critique vis-à-vis du gouvernement turc. Je lui demande s’il envisage un retour définitif en Turquie et il me répond par la négative : « C’est en quittant la Turquie que j’ai pu lui porter autant d’intérêt ».

 

Sous un soleil de plomb, je pose de nombreuses questions à Nedim Gürsel, je lui demande des précisions sur son œuvre Le Fils du Capitaine et nous finissons par faire plus ample connaissance. Je lui parle de mes études, il me parle de son amour pour la Suisse, je lui parle de mon intérêt pour la littérature engagée et il me conseille son œuvre L’ange Rouge.

 

Dafina Meha

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