Wie Milch als Haut

Bedächtig, wohlüberlegt und sanft beginnt Ralph Tharayil zu lesen. Dann ein leichtes Krächzen – belegte Stimme – Frosch im Hals. Vielleicht der Aufregung geschuldet, vielleicht den eigenen Ansprüchen. Sehr viele Menschen sind hier. Wir sitzen im kathedralischen Kino am Uferbau, Sonntagmorgen um elf Uhr. Salomé Meier moderiert das Gespräch.

Ralph Tharayil ist als Kind indischer Migranten in der Schweiz geboren und aufgewachsen. Sein Debütroman Nimm die Alpen weg ist ein Kindheitsroman, der auf eigenen Erfahrungen beruht. Der Titel kann als Anspielung auf James Baldwins Debütroman Go Tell It on the Mountain verstanden werden, dessen Text wiederum auf dem gleichnamigen Gospel basiert. Baldwin floh 1952 in die Walliser Alpen nach Leukerbad um seinen Roman zu schreiben. Auch Tharayil unternahm eine Reise nach Leukerbad. Die beiden PoC-Autoren verbindet eine Differenzerfahrung und die damit verbundene Frage: «Wie passt mein Körper in die Alpen?»

Der Körper ist zentral für die Erzählung von Nimm die Alpen weg. Immer wieder wird er spürbar gemacht. Schmatzend wie ein Schwein wird blutrote Sauce gegessen, die Mutter langt den Kindern in die Münder, tastet die Wurzeln der Zähne ab: «In unserem Mund ist Ma’s Nagellack rot». Kreishaft und durchaus gewaltvoll wird der Mund als Organ zur Kommunikation erschlossen. Die Frage nach der Muttersprache wirft Fragen nach Identität und Assimilation auf: «Welcher Kiefer spricht hier welche Sprache?» Zeichen, Semantik und Körper sind komplex verschachtelt.

Salomé moderiert souverän und mit geschliffener, literaturwissenschaftlicher Sprache – Ralph Tharayil kontert den Gestus so gekonnt, dass man sich in einem Uni-Seminar wähnt.

Die Eltern, stets als Ma und Pa bezeichnet und die beiden Geschwister, die in einem einheitlichen «wir» zur Sprache kommen, sind getrennt. Die Eltern opfern sich auf, um den Kindern ein besseres Leben zu ermöglichen. Aber die Kinder verstehen die Chiffren des Klassenaufstiegs nicht. Sie sind Kinder. Die Distanz wird auf formaler Ebene performativ. Die lyrische Form des Textes lässt zwischen einzelnen Sätzen viel weisses Papier frei. Die Sprache ist mehrdeutig, bildhaft und unglaublich assoziativ. So wird aus der Haut, die sich auf verbrannter Milch bildet, die menschliche Haut aus Milch. In dieser poetischen und lückenhaften Erzählform, die stets ambig bleibt, unterscheidet sich Nimm die Alpen weg von marktgerechten, identitätspolitischen Romanen.

Tharayils Stimme bleibt das Gespräch über belegt. Das Krächzen zu Beginn ist vielleicht der performative Glitsch, bezeichnend für die Differenzerfahrung von Körper und Sprache, die Nimm die Alpen weg bestimmt.

Habiter poétiquement le monde avec Felwine Sarr

Felwine Sarr est professeur d’Études françaises et francophones au département d’Etudes romanes de l’Université de Duke en Caroline du Nord. Économiste de formation, porteur d’espoir pour les générations futures, il est une des voix essentielles de l’Afrique, à l’origine d’une importante œuvre intellectuelle et philosophique (Afrotopia 2016 ; Habiter le monde 2017 ; Écrire l’Afrique-Monde 2017, avec Achille Mbembé ; Restituer le patrimoine africain 2019, avec Bénédicte Savoy ; L’économie à venir, les liens qui libèrent, 2022, avec Gaël Giraud). Felwine Sarr est aussi écrivain (Dahij 2009 ; 105, rue Carnot 2011 ; Méditations africaines 2012 ; Ishindenshin 2017 ; La Saveur des derniers mètres 2021 ; Traces – Discours aux Nations africaines 2021). Il est en outre l’éditeur du Prix Goncourt 2021, La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr. A l’occasion de son passage à Soleure, nous avons voulu l’interroger sur le versant littéraire de son travail et sur son dernier roman Les lieux qu’habitent mes rêves, Paris, Gallimard 2022.

Felwine Sarr, la notion de lieu semble revêtir une importance particulière dans votre œuvre intellectuelle et littéraire, par exemple à partir de votre essai Afrotopia ou de votre dernier roman Les lieux qu’habitent mes rêves.

En effet, dans mon premier roman déjà, Dahij, j’explorais la notion de lieu plutôt dans la perspective du retour à soi ou d’une quête de soi, permettant en même temps de sortir de soi, d’affronter et de déborder les lieux qui nous sont assignés. L’écriture visait ici à trouver un espace qui ouvre vers d’autres lieux, une hétérotopie, à travers une recherche personnelle qui explorait la verticalité ou la profondeur de soi. Je m’intéressais aux processus d’écriture pouvant être des actes de déconstruction ou de reconstruction de soi. Dans Afrotopia, qui appartient à un autre genre, celui de l’essai, j’ai voulu suggérer que d’autres lieux sont possibles pour l’Afrique, qu’elle peut habiter un espace plus vaste, chercher à faire une communauté monde. C’est une utopie, non pas une chimère, mais une utopie active, un travail sur les imaginaires bien réels, pour penser les richesses actuelles et les potentialités d’une Afrique à venir. Dans La Saveur des derniers mètres, à nouveau une œuvre littéraire, je m’aventurais plutôt vers des lieux sensibles, la dimension charnelle du monde, à travers le voyage, depuis les lieux de mon enfance au Sénégal vers des villes comme Mexico, Le Caire ou Port-au-Prince. 

Votre dernier roman met en contraste de nombreux lieux géographiques, entre le Sénégal et l’Europe. Ses chapitres convient le lecteur à de grands sauts, par exemple d’une université française à la célébration d’un vendredi saint à Varsovie, vers des lieux plus métaphysiques, notamment autour des croyances du peuple sérère. Pourquoi ces déplacements ? 

Avec Les lieux qu’habitent mes rêves, j’avais envie d’écrire un roman avec des personnages que l’on puisse suivre, à commencer par les personnages centraux, deux frères jumeaux, Fodé et Bouhel, dont le premier reste dans le pays de ses ancêtres, le peuple sérère – auquel j’appartiens –, et Bouhel qui part à la découverte de l’Europe, pour des études littéraires à Orléans et un parcours qui va l’amener à Varsovie, puis Genève. Bouhel découvre le monde à sa manière et sort transformé de ce voyage plein de promesses, avec une part de souffrance. Mais je voulais montrer qu’il existe aussi d’autres lieux possibles, des lieux en intensité, des voyages en profondeur. Ce sont ces lieux qu’explore Fodé, resté au pays, mais qui fait aussi un parcours de décentrement de soi pour devenir maître de cérémonie sérère. Je voulais suggérer encore que malgré la distance géographique, les deux frères restent liés : par exemple, même s’il n’est pas présent physiquement, Fodé aide son frère Bouhel lorsqu’il est en prison à Varsovie. Cela peut paraître étonnant, mais c’est assez naturel dans les croyances sérères.

Dans un chapitre qui fait écho au titre du livre, vous précisez les différentes modalités du rêve, le rêve éveillé qui voyage dans l’imaginaire, le souvenir de la beauté ou de l’amour, l’épreuve du corps, et la poésie, comme un rappel des quatre folies ou enthousiasmes divins du Phèdre de Platon. Pourriez-vous préciser votre rapport à la poésie, au sens large comme création ou au sens restreint comme genre littéraire?

La poésie est une force créatrice, son imaginaire permet un élargissement du monde. La poésie en vers a été mon premier geste d’écriture, par exemple dans le recueil Ishindenshin, de mon âme à ton âme. Mais si l’on reste, disons, aux belles métaphores, on ne fait pas de poésie. J’ai voulu suggérer dans ce chapitre qu’une vraie conversion est nécessaire pour ne pas rester «au seuil de la poésie», pour tendre vers cette expérience dont René Char ou Rimbaud ont saisi l’exigence de lucidité et le dévoilement. Mais en effet, j’explore de nombreux genres autres que la poésie. Il est essentiel que le signifié trouve son signifiant. Quelque chose se donne ou doit être dit, et le genre s’impose assez naturellement. Le roman convient pour un certain donné, ou pour une intuition, l’aphorisme, que j’ai proposé dans les Méditations africaines, ou encore l’essai, par exemple dans Afrotopia ou Habiter le monde. Dans tous les cas, je cherche toujours une justesse, une essentialité ou une économie du langage. 

Un aspect particulier du roman est la pluralité des voix narratives : certains personnages parlent chacun à la première personne, selon leur propre point de vue – c’est le cas de Bouhel ou de son amie Ulga -, mais d’autres personnages sont racontés par un narrateur externe, à la troisième personne, dans le cas de Fodé. Pourquoi ces choix ? 

Oui, Bouhel parle à la première personne, c’est en quelque sorte le personnage central que l’on suit à travers le roman, et le narrateur externe me permettait de mettre un peu plus de distance par rapport à Fodé. Mais le plus important pour moi était de montrer les chemins parallèles et différents de deux jumeaux monozygotes. D’une part l’altérité des deux jumeaux, d’autre part l’altérité à soi ou l’auto-altérisation de Bouhel, mais aussi celle de Fodé. Ce dernier, s’il n’a pas forcément choisi de succéder au maître de cérémonie Ngof, n’est pas figé dans son identité. Il explore le milieu sérère, ses expériences le changent. Le rêve joue ici un rôle important. Je voulais vraiment proposer une réflexion sur l’identité, l’ipséité, qui ne se réduit pas à un point fixe ou figé. D’autre part, le roman se voulait une réflexion sur la fraternité. Dans le Livre de la Genèse, le premier couple de frères amène à un fratricide. Dans ce récit, je voulais montrer un autre rapport de fraternité, qui ne se limite pas au lien biologique, mais se construit sur l’ensemble du roman.

Précisément, Bouhel, après certaines épreuves, va trouver du réconfort lors d’une retraite dans un monastère bénédictin, en Suisse. Il y rencontre le Frère Tim. Malgré leur différence d’appartenance religieuse, ils sont très proches dans leur réflexion sur la foi. Bouhel lit des mystiques chrétiens ou musulmans, comme Maître Eckhart ou Rûmi. Vouliez-vous suggérer un rapprochement possible entre les religions ? Et pourquoi la Suisse ?

Oui, la Suisse est le lieu de résidence de Bouhel au début, au milieu et à la fin du roman, mais dans une temporalité non linéaire du récit. Le roman s’ouvre en quelque sorte par la fin, et retrace ensuite l’histoire à travers les rêves de Bouhel. Il a trouvé dans ce lieu calme de lacs et de montagnes un refuge, qui lui permettra peut-être de prendre un nouveau départ, de commencer une nouvelle histoire. Pour ce qui est du monastère, c’est un lieu qui se prête à la méditation. Pour l’anecdote, je suis venu à Genève une première fois pour voir un ami et une autre fois pour le Salon du livre. J’avais été logé sans le vouloir dans une même rue, ce qui a peut-être influencé cet aspect de circularité de mon récit. En ce qui concerne les religions, j’ai eu l’occasion d’explorer diverses traditions comme le soufisme ou le bouddhisme. Mais dans ce livre j’avais à cœur d’instaurer un dialogue entre la cosmologie sérère et la mystique chrétienne. 

On suit de près dans le roman toute la préparation de la cérémonie du Ndut dans la tradition sérère, dont Fodé est devenu le nouveau maître. En même temps, dans cette fragmentation des lieux, on se retrouve par exemple, après le rite sérère, non pas dans la sagesse de Maître Eckhart, mais dans le délire mystique de Vladimir qui se met lui-même en danger, ainsi que sa famille. Qu’est-ce que la voix de Vladimir veut signifier dans le roman ?

Il était important pour moi de représenter les cosmologies et les croyances sérères. Malgré certains récits qui pourraient surprendre le lecteur, montrer leur caractère de dignité. L’épisode d’initiation pour Fodé continue par exemple au-delà de la mort de son maître, Ngof. Au septième jour, il doit sortir de son corps pour aller à la cime de l’arbre afin de terminer l’initiation. Il n’y a rien à prouver, c’est une croyance naturelle pour le peuple sérère. En revanche, pour ce qui est de Vladimir à Varsovie, le frère d’Ulga, c’est assez différent. Il souffre de graves problèmes psychologiques, il est sur une ligne de crête. Le pas vers la folie peut être très vite franchi. Mais Vladimir a tout de même quelque chose à dire. Sa vision du monde néolibéral par exemple n’est pas fausse. Il n’y a pas de parole interdite. 

J’aimerais vous poser une dernière question sur l’engagement de l’écrivain. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le livre de Boubacar Boris Diop, Murambi, le livre des ossements, qui a choisi la forme du roman pour décrire les crimes du Rwanda de 1994 et le déchirement d’un peuple frère. Le Rwanda vit aujourd’hui à nouveau en paix. Est-ce un signe d’espoir de fraternité, dans la ligne de votre travail ?

Murambi est un texte magnifique, très important. En 1998, quatre ans après le génocide, une dizaine d’écrivains africains ont été invités à Kigali pour un séjour d’écriture, un travail de réflexion et de mémoire. Pour la question de l’engagement, on a eu souvent tendance à distinguer deux courants dans la littérature africaine postcoloniale, des écrivains qui mêlaient l’existentiel et le politique, et une nouvelle génération d’écrivains qui seraient désengagés du politique. C’est une schématisation erronée. Même si l’on observe chez les écrivains de ma génération une liberté plus grande par rapport aux assignations géographiques ou territoriales, cela n’implique ni un renoncement à nos appartenances, ni un abandon du politique. Oui, le cas du Rwanda montre que l’on peut reconstruire, même si tout n’est pas parfait. Ce qui est essentiel surtout, c’est que l’on crée des réalités avec les imaginaires, notamment pour les jeunes générations. Le catastrophisme en politique ou en écologie n’amène à rien. Les mondes que nous évoquons sont des possibles qui s’ouvrent à nous et que finalement nous choisissons. La parole, qu’elle soit poétique ou politique, joue ici un rôle essentiel.

Une rencontre tout en fraîcheur

Un moment fort sympathique, riche en nouvelles connaissances. Voilà comment je pourrais qualifier l’entretien que j’ai réalisé avec Yann Stutzig, futur traducteur de renom.

Quelles raisons me font voir en lui le potentiel de grandes choses ? Déjà, son parcours professionnel montrant sa volonté de déterrer l’idée d’être traducteur qui germait dans sa tête depuis des années. Il a par exemple suivi un programme de spécialisation en traduction à l’Université de Lausanne ou encore une formation au Centre Européen de Traduction Littéraire (CETL).

Mais aussi ses recherches fructueuses pour le premier de ses ouvrages traduits, La payîsanna, de Noëmi Lerch. Pour ce travail, il a ajouté à sa pile de livres de chevet des dictionnaires d’helvétismes qui lui ont permis de jouer avec des mots campagnards et montagnards, faisant honneur à la version d’origine en suisse allemand. 

Et encore sa passion. Il me raconte que, gamin déjà, il retenait des noms comme François Kérel, traducteur de L’insoutenable légèreté de l’être, de Milan Kundera. 

Par son humilité, il tente de rester au plus proche du texte. Et il trouve formidable d’avoir l’opportunité de prendre la parole dans le cadre des Journées Littéraires de Soleure. Mais attention, on ne s’improvise pas traducteur ou traductrice. Il faut maîtriser la langue à la perfection, mais surtout savoir prendre le temps. La patience est plus que nécessaire selon Yann Stutzig. 

Mais je pense qu’avant tout, il possède la petite étincelle. Parmi les retours sur ses traductions, on lui dit que l’essentiel est là, il a réussi à traduire la poésie de Noëmi Lerch. Selon lui, « c’est tout naturel », ça coule un peu de source. La magie opère et le défi est réussi quand on ne sent pas l’allemand derrière le texte en français. 

Deux ouvrages conseillés par Yann Stutzig: 

L’ingrate venue d’ailleurs, d’Irena Brežná, traduite par Ursula Gaillard

En finir avec Eddy Bellegueule, d’Edouard Louis

«Tout le monde écrit, personne ne lit» -rencontre avec Philippe Testa

Avant ma rencontre avec Philippe Testa, je ne vous cache pas mon stress. Interviewer quelqu’un est un exercice difficile. En arrivant au Kino im Uferbau, j’appréhende beaucoup cet entretien : parlera-t-il de son plein gré ou faudra-t-il lui tirer les vers du nez ? suis-je assez préparée ? mes questions sont-elles pertinentes ? Tous ces doutes me prennent la tête et pourtant, à peine arrivée face à lui, ce stress disparaît. Il émane de lui quelque chose de rassurant et de bienveillant. Bavarder avec lui est un pur plaisir. Il m’a tout de suite mise à l’aise et m’a même donné quelques astuces pour mes futures interviews. Un grand moment de partage dont je me souviendrai. Merci !


Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ? Est-ce que vous vous rappelez de vos premiers écrits ?
En cours de français, le prof nous avait fait lire Les Fleurs du mal de Baudelaire et nous avait demandé de faire des alexandrins. Tout de suite, je me suis pris au jeu, j’ai aimé faire ça et j’ai découvert le plaisir d’écrire, d’arriver à faire quelque chose dont on est satisfait ; satisfait même si rétrospectivement des années après, ça vaut ce que ça vaut. [Rires]
Quelque temps après, j’ai commencé à écrire des nouvelles et depuis je n’ai jamais arrêté de créer. Des nouvelles, des romans un peu nuls, des romans noirs. Écrire a toujours été présent depuis mon adolescence, avec beaucoup de plaisir et, bien sûr, pas mal de prises de tête et d’angoisses. Comme je faisais aussi de la musique, j’aimais énormément ce côté créatif en groupe et, parallèlement, j’appréciais l’aspect solitaire de l’écriture.


Est-ce que les thèmes dans vos romans sont «toujours» les mêmes ou y a-t-il des variations ?
Les sujets de ma jeunesse n’ont plus grand-chose à voir avec mes thèmes actuels. Je ne dirais pas que ce sont des thématiques, mais plutôt des inspirations. Depuis que je suis publié, je me concentre plus sur une observation du monde extérieur, mais aussi de l’intériorité, la mienne et plus généralement celle de l’humain. C’est toujours quelque chose en miroir, parce qu’écrire seulement sur le monde extérieur, c’est intéressant mais ce n’est pas très incarné. Un autre thème constant est la critique de la société, les défauts, la vanité humaine. Je ne me mets pas en dehors de cette critique, car ces défauts, je les retrouve également chez moi.


Qu’est-ce qui vous a poussé à publier votre premier roman et comment ça s’est passé ?
J’avais déjà envoyé des manuscrits à des éditeurs quand j’étais plus jeune, mais ça ne marchait pas. En 2004, ça a fonctionné car, justement, c’était un ami qui avait une petite maison d’édition, Navarino. Je lui ai montré le texte, il a aimé et ensuite le 2ème roman puis le 3ème ont été publiés. Ça s’est fait très naturellement.
Je suis passé par des phases de découragement face aux refus des éditeurs. Le rejet, il faut savoir que c’est un truc qui risque d’arriver. C’est difficile par moments, je me dis que je ferai mieux de faire du macramé, mais bon je suis nul de mes mains, je ne vois pas quoi faire d’autre [rires].


Vous avez eu plusieurs éditeurs, pourquoi ?
Mes trois premiers livres ont été publiés chez Navarino qui n’existe malheureusement plus. Le 4ème a été accepté par l’Âge d’Homme. Par contre, Sonny n’a a pas été retenu, alors j’ai essayé ailleurs. C’est Hélice Hélas à Vevey qui l’a pris. Toutefois, pour Pouvoir, j’ai dû chercher une autre maison d’édition, les Editions d’en bas. Ça vaut la peine de persévérer, parce que c’est une telle loterie qu’il faut tenter sa chance encore et encore. J’ai eu un petit espoir d’entrer dans la cour des grands quand Gallimard a réédité L’Obscur. Mais malheureusement, ça n’a pas été plus loin.
Tout le monde écrit, personne ne lit. Les éditeurs sont submergés de manuscrits et les réponses peuvent prendre du temps.

***

Après avoir discuté de l’aspect éditorial, j’ai questionné Philippe Testa sur son dernier roman Pouvoir. J’ai beaucoup apprécié la trame de fond, l’aspect profond et réfléchi des personnages. C’est incarné, comme le dit Philippe Testa. Malgré ces éloges, il me reste quelques petites questions qui me taraudent.


Pourquoi situer Pouvoir à Paris et non pas aux États-Unis ?
L’élection de Trump a été le point de départ de l’écriture du livre. C’est une très bonne question. J’ai hésité même si je connais assez bien la politique américaine. Par exemple, Sonny commence en Suisse et la deuxième partie se passe aux USA. Mais je pense qu’en fait, je ne connais pas suffisamment bien ce pays et surtout je ne le sentais pas.


Pourquoi ne pas citer les dirigeants desquels vous vous êtes “inspiré»?
Intentionnellement, j’ai voulu faire un truc très flou, pas de dates, le politique n’a pas de noms. C’est un brouillage intentionnel, je ne voulais pas que ça se rapproche trop du mouvement de Marine le Pen. Je voulais que ce soit un truc actuel sans être trop proche de la réalité ou de certaines personnes.
Ce qui est intéressant, c’est que certaines personnes voient Macron pour l’aspect politique du livre, mais moi pas du tout et c’est ça qui est fascinant. Je donne une page blanche et les gens projettent ce qu’ils veulent, c’est une volonté affirmée que ce soit à la fois net et en même temps très flou, d’où l’absence de références directes. Il était important pour moi que les gens se fassent leur propre idée. En gros, c’est un mic mac inspiré de différentes choses, époques et endroits. Ensuite, j’ai tout mis au mixer : le 3ème Reich, les USA, Trump, les autres populistes européens. Je me suis beaucoup documenté et j’ai tout mélangé à ma sauce.

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Petite anecdote de fin qui m’a fait beaucoup rire. Malgré un gros travail de relecture, à la conférence du matin, Philippe Testa a trouvé une faute d’accord du participe passé dans son roman. L’angoisse ! «J’ai vu encore une putain de faute d’orthographe, je suis prof et j’ai honte, lundi matin j’ai une classe de français, je vais leur dire ça : allez-y, lapidez-moi.» Sur ces belles paroles, je souhaite remercier Philippe Testa de m’avoir accordé du temps pour cette interview. Une belle rencontre avec une personne humble, passionnée et surtout passionnante.

Wir sind immer noch auf Safari

Als Abschluss für die Solothurner Literaturtage gibt es noch das letzte Event 80 + 80, bei dem Christian Haller und Franz Hohler gemeinsam mit Esther Schneider auf der Bühne sitzen.

Der Landhaussaal ist noch zur Hälfte gefüllt mit dem Publikum der vorherigen Lesung mit Alain Claude Sulzer und auch draussen stehen schon wieder eine Menge Leute für die letzte Veranstaltung an. Schneider beginnt die Veranstaltung witzelnd, die beiden Autoren würden nie wirklich in den Ruhestand gehen wollen, im Gegenteil sogar gerade zur Hochform auflaufen. Beide sind 80 Jahre alt: Christian Haller feierte seinen Geburtstag am 28. Februar, Franz Hohler am 1. März. Haller meint dazu, dass ihn Hohler mit dem Alter niemals einholen könne, weil er ihm immer einen Tag voraus sei.

Die beiden Autoren verbindet aber nicht nur das Schreiben, sie sind beide beim selben Buchverlag Luchterhand und pflegen eine gute Freundschaft miteinander.
Die beiden Männer zeichnen sich durch sehr viel Witz und Charm aus.
Haller sagte zu seinem 80igsten Geburtstag:

Wenn man 80 ist, ist Lachen die beste Medizin.

Er sagte dabei aber nicht, worüber man denn lachen sollte.
Hohler weiss darauf prompt eine Antwort:

 Mit 80 vergisst man schonmal, was man gesagt hat.

Hohler wiederum hätte zu seinem 80igsten Geburtstag gesagt:

Mit 80 wird es ernst, willst du wirklich noch lernen mit Twint zu bezahlen?

Schneider hakt nach: Ob Hohler dies in der Zwischenzeit gelernt hätte? Er verneint dies, leider noch nicht. Der Saal amüsiert sich über Hohlers Antwort. Daraufhin möchte Schneider natürlich wissen, was die beiden denn nicht mehr lernen möchten.
Haller fällt dazu nichts ein, im Gegenteil, er interessiere sich für alles Neue. Ihn stachle die Neugierde an und er finde es bedauernswert, dass er nicht mehr alles miterleben kann. Er meint, dass er sich auch Twint nicht verweigere.
Hohler unterstützt diese Antwort, er habe sein Leben lang gelernt und möchte dies auch weiterhin noch tun. So sagt er stolz, dass er gerade Suaheli/Swahili lernt, weil er eine kenianische Schwiegertochter hat und diese mit seinem Enkel Suaheli spricht. Die Sprache sei zwar sauschwierig, aber der Grossvater müsse natürlich mithalten können. Hohler meint dazu auch, dass es ein Wort gibt, welches es aus dem Suaheli in die gesamte Welt geschafft hat, es ist Safari und bedeutet Reise.
Haller freut sich darüber, und meint, dass er und Hohler immer noch auf Safari seien und erklärt dies als Sprichwort für dein heutigen Abend.

Ich bin optimistischer Pessimist oder auch pessimistischer Optimist. Das kommt auf dasselbe hinaus.

Franz Hohler

Schneider fragt ihn, ob sich die beiden Seiten, die pessimistische und optimistische, denn die Waage hielten. Hohler meint, dass er genau das versuche zu leben. Es gäbe jeden Grund für Pessimismus, Beispiele dafür seien der Klimawandel oder auch die atomare Aufrüstung. Aber wenn man sich nicht auch über gewisse Dinge freuen könne, wie der Frühling, die blühenden Bäume, Büsche oder auch der Holderbusch, werde es schwierig. Den letzteren mag Hohler am liebsten, weil er sehr gerne selber Holdersirup macht. Wenn man sich also nicht freuen könne, so gehe man unter und habe nicht die Kraft, sich mit dem zu beschäftigen, was schwer ist.

Schneider will wissen, wann Hohlers letzter Glücksmoment war. Er meint dazu, dass dies gestern draussen vor der St. Ursen-Kathedrale gewesen sei, als er sah, dass alle Treppen besetzt waren und die Leute ihm alle zuhören wollten. Dies habe ihn mit einem Glücksgefühl durchströmt.
Hallers letzter Glücksmoment sei auch an den Solothurner Literaturtagen gewesen, als er sein Werk präsentieren durfte und sah, wie viele Menschen sich für sein Schaffen interessieren. Für ihn sei es aber auch ein Glücksmoment, wenn die Biese nicht mehr gehe, und man sich nicht mehr so warm einpacken müsse. Ihm gefalle auch die sommerliche Szenerie, die sich ihm in Solothurn heute Nachmittag geboten habe.
Hohler ergänzt, dass es ein Glücksmoment sei, mit 80 Jahren noch zu leben.

Schneider will von den beiden wissen, was ihre Freundschaft denn ausmache.
Haller sagt dazu, dass er Hohler schon sehr lange kennt. Damals habe Hohler ein Cello und noch etwas mehr Haare auf dem Kopf gehabt. Er habe ihn in einem Keller spielen sehen und Haller hätte sich über Hohlers Humor gefreut, denn dieser spiele mit dem Sprachwitz und diffamiere nie etwas. Das sei auch genau das, was Franz Hohler auszeichnet.
Hohler hingegen meint, dass er bei Luchterhand auf die Texte von Christian Haller gestossen sei und ihm diese gefallen hätten. So waren sie später auch öfters gemeinsam an der Frankfurter Buchmesse gewesen. Wenn sie sich dann am Abend einsam fühlten, gingen sie einfach zusammen in ein chinesisches Restaurant.

Beide sagten, dass sie heute zum ersten Mal gemeinsam auf der Bühne seien. Haller meint dazu, dass er sich schon oft vorgestellt habe, wie es wohl wäre, einmal gemeinsam mit Franz auf der Bühne zu sitzen.

Eh voilà! Es gibt Dinge, für die muss man erst einmal 80 Jahre alt werden

Christian Haller

Die beiden Autoren verbindet auch eine familiäre Beziehung, da Hallers Grossvater in Lostorf eine Weberei gekauft hat und dem damals kleinen Franz Hohler Lieder vorgesungen hat. Hohlers Vater habe sich daran erinnert, dass Hallers Grossvater den Grossvater von Hohler in der Weberei nur unter der Bedingung einstellte, dass dieser selbst in die Fabrik investiert. So sind danach beide Grossväter durch den Bankrott der Weberei betroffen gewesen. Hohler äussert dazu, dass Haller ihm daher noch etwas schulden würde.

Nach dieser ausführlichen Erläuterung über die familiären Überschneidungen von Haller und Hohler dürfen die beiden auch noch etwas vorlesen. Schneider kommt auf das Thema Rhein. Beide Autoren leben an diesem Gewässer, Hohler in Schaffhausen und Haller im Aargau.
Haller erzählt von einem einschneidenden Erlebnis in Laufenburg. Sein Arbeitszimmer ist am Rhein. Der Rhein selbst fliesst vor seinem Fenster von rechts nach links und Haller schreibt von links nach rechts, was teilweise etwas problematisch sein kann. Haller meint, dass der Rhein sein Haustier sei. Denn der Rhein kann sehr still und freundlich sein und gleichzeitig auch bedrohlich. Um dies besser verständlich aufzuzeigen, liest er aus seinem Buch Die verborgenen Ufer vor.
Hohler gefällt, dass Haller in seiner Lesung auf das instabile Fundament zu sprechen kommt, sowie das weggerissene Haus, das als Metapher zu verstehen sei. Auch Hohler habe in seiner Rheinwanderung den Fluss als Metapher betrachtet, teilweise sei er sein Freund, teilweise auch sein Feind.

Hohler habe auf seiner Rheinwanderung, die insgesamt 2.5 Jahre gedauert hat, auch die bedrohliche Seite des Rheins kennengelernt. Er sei eines Tages, nachdem das Hochwasser gerade zu Ende war, an einer Stelle vorbeigekommen, bei der ein riesiger Holzstamm lag. Er überlegte sich, welche Wucht und Kraft hier am Werk gewesen sein müsse, um so einen grossen Stamm zu transportieren. Dazu liest Hohler ein Kapitel aus seinem Buch Rheinaufwärts vor.

Schneider möchte im Anschluss von Haller wissen, ob er denn kein Wanderer sei. Er sei als Kind oft gewandert, antwortet der Autor, doch dies sei irgendwann verloren gegangen. Heute bevorzuge er eine andere Art des Wanderns: das Wandern durch Menschenmengen. Er möge es, lange im Beobachten von Menschen zu verweilen. Dabei versuche er, die Menschen zu verstehen und sie so zu sehen, wie sie wohl seien und was sie zu denjenigen gemacht habe, die sie sind. Dies sei eine andere Form des Wanderns, die zum Beispiel auch Schuhwerk spart.

Haller habe schon sehr früh mit dem Schreiben begonnen. Bereits mit 19 Jahren habe er sich entschieden Schriftsteller zu werden. Haller sagt, ihn habe die Unkenntnis sicher gemacht, dass er Schriftsteller werden wollte. Wenn er gewusst hätte, was da alles auf ihn zukomme, hätte er sich dies vielleicht nochmals überlegt. Das initiale Erlebnis für ihn sei gewesen, als er spürte, wie er Wörter in sich trage, die nach draussen wollten. Haller versuchte die Wörter zuerst in einem Brief aufzuschreiben. Er sei damit aber irgendwie nicht zufrieden gewesen, weil die Wörter etwas anderes von ihm wollten. So liess er den Wörtern seinen Lauf, woraus ein Gedicht entstand. Am nächsten Tag habe er gleich nochmal ein Gedicht geschrieben und von da an liess er seinen Wunsch Schauspieler zu werden fallen und gab sich ganz dem Schreiben hin. Er habe sehr viel geschrieben, was nicht veröffentlicht wurde und heute in einem Literaturarchiv zu finden ist. Haller habe sich auch stark für die Naturwissenschaft interessiert, weil diese so präsent, bestimmend und formativ für die Gesellschaft sei. Deshalb habe er sich mit 27 Jahren entschieden Biologie zu studieren.

Hohler hat Germanistik studiert. Er hat das Gotische und Althochdeutsch geliebt und interessierte sich auf für die Geschichte der Sprache. Er hat eine Zeitlang im Oltner Tagblatt Geschichten veröffentlicht und war literarisch und musikalisch auf der Bühne unterwegs. Seine Karriere begann im alten Heizungskeller an der Uni Zürich. Denn von da an habe er sich gesagt, dass er jetzt ein Jahr Pause machen möchte, um seine Gedanken zu formulieren und schreiben zu können.

Und das ist jetzt das Jahr, das bis heute andauert.

Franz Hohler

Schneider fügt hinzu, dass Haller sich beim Schreiben oft entlang des Lebens bewege und sich davon beeinflussen lasse. Hohler hingegen ist der Beobachter. Er ist derjenige, der den Alltag wie ein Bartenwal in sich aufnehme und nur das Wichtigste, was ihn berühre und amüsiere, auch behalte. Hohler mag die Vorstellung mit dem Bartenwal. Er fügt dazu gleich eine kleine Geschichte an: Er habe vor dem Tierspital in Zürich ein Zelt gesehen, das ihn an einen Walfisch erinnere. So sei die Geschichte Der Walfisch vor dem Tierspital entstanden. Darin frage die Schwester am Empfang den Walfisch, wieso er hier sei. Dieser antwortet, dass er Bauchschmerzen habe. Die Schwester fragt ihn, ob er den geimpft sei. (Es sei ja schliesslich Corona). Was der Walfisch mit ja, sogar drei Mal, beantworten kann. Aber er habe einen ungeimpften Propheten verschluckt.

Haller ergänzt, dass sein Schreiben von seinem Lehrmeister beeinflusst worden sei. Dieser sage ihm, dass er das Schreiben soll, was er kenne. Er schöpft also aus seiner Biographie. Diese Erfahrungen hätten ihn geprägt und zeigten ihm, was ihn umgäbe. Das ist für Haller ein Grundsatz. Er sagt, dass er nicht die Stoffe selbst auswählt, sondern die Stoffe ihn aussuchten. Ihm drängten sich die Gedanken auf, genau wie die Wörter. Für Hoher ist es aber ähnlich, es seien die Motive, die vor seiner Türe stehen und reingelassen werden möchten, wie bei Haller.
Hohler ging sogar soweit, dass er sich von einem Wissenschaftler in der Hirnforschung erklären lassen wollte, was eine Idee physisch genau sei und woher sie komme. Für Hohler gibt es dafür nämlich keine klare Erklärung. Er weiss, dass die Ideen aus der eigenen Substanz kommen, dem eigenen Leben, den Vorstellungen und Träumen. Für Hohler sind Träume sowieso ein wichtiger Teil von uns Menschen, den wir nicht unter Kontrolle hätten.

Schneider schliesst die letzte Veranstaltung damit, dass die beiden Autoren nochmals einen kurzen Text vorlesen. Hohler liest das letzte Kapitel aus Rheinaufwärts und Haller liest ein Gedicht.

Im Anschluss an die Veranstaltung gibt es noch einen kleinen Apéro im Säulensaal, mit dem auf die 45. Solothurner Literaturtage angestossen wird.

«Ordonner le chaos» avec Corinne Desarzens

Cela fait quelques minutes que je déambule dans le Kino im Uferbau de Soleure. J’essaie de me positionner à des endroits stratégiques pour voir arriver Corinne Desarzens. Alors que je m’arrête à l’encadrure de la porte qui mène à la terrasse, et que, simultanément, je passe ma tête dedans, dehors, pour voir partout et ne pas me faire surprendre, j’entends des pas descendre l’escalier. Je me dis que c’est elle, vous savez ces jeux qu’on se fait à soi-même, s’assurer que c’est elle, s’en persuader, et si on gagne on se croit intuitif pour la journée, et si on perd, on oublie. Je me détourne, porte mon regard sur l’escalier ; en effet, c’est elle. Alors ça commence bien.

Notre rencontre prend directement l’allure d’un heureux hasard. C’est comme si deux amies de longue date se retrouvaient là, sans l’avoir fait exprès après plusieurs années, et qu’elles auraient tant de choses à se dire. Mais c’est qu’avec Corinne Desarzens, comme j’aurai l’occasion de le constater, toute rencontre est un retour de voyage à conter.

Nous nous installons dehors, au bord de l’eau. Pour l’une ce sera une eau minérale gazeuse, pour l’autre un expresso ; je vous laisse deviner. Au rythme de l’Aar, les paroles de Corinne Desarzens coulent sans s’interrompre. Son retour de Montpellier, les gens qu’elle y a rencontrés, le vent, ses enfants, le fait qu’elle n’a pas de téléphone portable et qu’elle vit très bien ainsi, qu’elle garde l’important en mémoire, comme ses deux poèmes que soudainement elle se met à me chanter.

Pendant une heure on aura peut-être parlé de tout, sauf des questions que j’avais pensé lui poser. Pour l’heure suivante que nous passerons ensemble, je lance l’enregistrement, pourtant déjà certaine que l’entretien ne prendra pas l’allure d’un jeu de question-réponse. Je commence malgré tout par une question des plus générales : «Pour qui écrivez-vous, pourquoi, comment ?» A quoi elle me répond : «Pour qui j’en sais rien, pourquoi j’en sais rien non plus, et comment, peu importe.»

J’aimerais particulièrement l’entendre parler de son livre La lune bouge lentement mais elle traverse la ville paru en 2020 aux Editions La Baconnière. Je lui raconte comme je l’ai lu. Comme je me suis trompée, à vouloir le lire vite, d’une traite, et comme il me semble que maintenant j’ai compris; ce livre se lit lentement. Un peu quand on veut, un peu comme on veut. Pour moi il se présente comme un menu : la carte est aux dernières pages, on va y piocher les intitulés qui nous mettent l’eau à la bouche, et on déguste des nouvelles aux milles saveurs, aux milles épices et aux milles couleurs.

Si on ne peut pas les lire vite, c’est que ces nouvelles sont d’une richesse insolente, à n’emprunter que les chemins de traverses, à prendre racine dans le détail, infatigables digressions. Et notre discussion, ce vendredi 19 mai, en prend la même allure, car Corinne Desarzens parle comme elle écrit. Alors la lire ou l’écouter, c’est se réjouir d’ouvrir les innombrables tiroirs d’une commode d’artisan, s’aventurer pour le jeu dans un labyrinthe, et s’y prendre, au jeu, toujours avec le même étonnement.

Le foisonnement de l’écriture de Corinne Desarzens nait d’une curiosité qui lui est naturelle. Elle s’intéresse à tout, avec la constante attitude, je crois, d’une voyageuse en quête d’autrui, ouverte à l’autre, toujours disposée à découvrir, à accueillir.

Si cette disponibilité offre matière à toute histoire, la tâche de l’auteur.ice sera de faire un choix, ou comme elle me le dit joliment, d'»ordonner le chaos». Elle vous l’expliquera bien mieux que moi, et vous aurez aussi l’occasion d’entendre sa voix :

Ordonner le chaos, voilà la tâche de l’auteur.ice selon Corinne Desarzens. Et voilà peut-être aussi la mienne, après cet entretien menée avec elle.

On ne ressort pas indemne d’une discussion avec Corinne Desarzens. C’est comme quand on rentre de voyage, décalage horaire et tête encore un peu ailleurs.

Schon mal vom Fleckenmusang gehört?

A. L. Kennedy und Matto Kämpf sprechen über einen Fleckenmusang und die Macht der Literatur. Ein heiterer Abend über die Wahrheit und das Lügen.

Für die schottische Schrifstellerin und Stand-Up-Comedian Kennedy ist es der letzte Tag einer fünfwöchigen Lesetour. Dennoch wirken sie und Matto Kämpf auf der Bühne munter wie eh und je. Jane Mumford moderiert das Gespräch souverän, obwohl sie anfangs scherzt, sie lese eigentlich viel zu wenig, um an den Literaturtagen sein zu dürfen.

Wikipedia-Geschichten

Für eine knappe Stunde unterhalten sich Kennedy und Kämpf angeregt und überbieten sich gegenseitig mit skurillen Anekdoten. Kennedy erzählt, auf der Wikipedia-Seite zu ihrer Person notierte eine Freundin vor einer Weile, sie hätte einen Fleckenmusang als Haustier. Natürlich sei das völliger Blödsinn. Das Tier mit dem seltsamen Namen ist eine sogenannte Schleichkatze, die man, wenn überhaupt, im Zusammenhang mit Luwak-Kaffee kennt (die Katzenart frisst gerne Kaffeekirschen, die verdauten und ausgeschiedenen Bohnen werden gesammelt, geröstet und teuer als Spezialitätenkaffee verkauft). Solchen Unfug erlaube sie sich manchmal auch bei Interviews, bei denen sie dann abstruse Dinge behaupte oder Lügen erzähle.

Was im Wald passiert

Obwohl die Neuerscheinungen von Kennedy und Kämpf sehr unterschiedlich sind, findet Mumford eine Gemeinsamkeit: den Wald. Der Protagonist in Kämpfs Roman Suppe, Seife, Seelenheil flieht vor der Belgrader Polizei in den Wald. Immer noch in Handschellen, versucht er, sich zurecht zu finden. Kämpf erzählt, er habe selbst Handschellen ausgeliehen, um ein Gefühl dafür zu erhalten. Er sei zwar nicht durch den Wald gerannt, aber habe gestaubsaugt.

Kennedy: «I’m only scared of weird things like saying ‹I love you›!»

Kennedys Essayband Der Kern der Dinge spielt zwar nicht im Wald, aber sie hat ihn dort geschrieben: in einer Hütte in den nordamerikanischen Wäldern. Ob sie sich nicht vor wilden Tieren gefürchtet habe, fragt Mumford, und Kämpf verweist beflissen auf den italienischen Bären, dem jüngst ein Jogger zum Opfer fiel. Kennedy verneint und scherzt, sie fürchte sich nur vor seltsamen Dingen wie dem «Ich-liebe-dich»-Sagen.

Die Macht der Literatur

Bei der Frage, ob Literatur die Welt verändern könne, werden die beiden etwas tiefsinniger. Sie verändere auf jeden Fall die Menschen, meint Kennedy. Dass Lesen nachweislich die Empathie fördert, führt sie ebenfalls an. Und dass es eine englische Unsitte sei, den Schriftsteller:innenberuf nicht ernst zu nehmen. Kämpf witzelt, dass seine Werke die Welt wahrscheinlich nicht verändern. Dann verweist er aber auf eine Lesung mit Kim de l’Horizon, die er am Morgen besucht habe. Nach dieser könne er ganz klar sagen, dass Literatur die Welt verändere. Auch das sogenannte ‹Sterben› des Journalismus spricht Mumford an. Kämpf und Kennedy sind sich einig: Heutzutage holen sich die Menschen ihre Fakten, ihre ‹Wahrheit› bei Comedians. Sie definieren humoristische Nachrichtenshows und Comedy-Shows als moderne Nachrichtenvermittlung. Als Beispiel könnte man wohl The Daily Show nennen.

Verführte Bären und lustige Vögel

Die beiden Neuerscheinungen von Kennedy und Kämpf spielen im Gespräch nur eine untergeordnete Rolle, was der Qualität der Veranstaltung aber keinen Abbruch tut. Der Saal ist nicht so gut besucht wie erwartet, was vielleicht daran liegt, dass das Gespräch auf Englisch geführt wird. Die Anwesenden lachen deswegen aber nicht weniger.

Kämpf: «I’m a fun bird»

Kämpf spricht zwar mit Akzent, aber ziemlich fliessend Englisch. Trotzdem sucht er immer wieder nach Wörtern und sorgt damit für einige Lacher, etwa als er das Wort ‹seduce› statt ‹sedate› verwendet oder den ‹Spassvogel› wortwörtlich übersetzt.

Wer sich auf einen lustigen Freitagabend gefreut hatte, wurde nicht enttäuscht.

Keine typische Wasserglas-Lesung

Das Studio Arici im Stadttheater Solothurn ist schwer zu finden. Eine Zuschauerin soll es vorhin in der Herrentoilette gesucht haben, startet Moderator Daniel Mezger scherzend in das Skriptor Szenisches Schreiben der diesjährigen Solothurner Literaturtage. Im Format Skriptor linsen Zuschauer:innen Textprofis beim «Werkstätteln» über die Schulter. Was das bedeutet? Das Publikum lauscht an diesem Samstagnachmittag den Autor:innen Martina Clavadetscher, Anaïs Clerc, Fabienne Lehmann und Lorenz Langenegger, wie sie den noch frischen unfertigen Dramentext von Schriftsteller-Kollegin Eva Roth diskutieren, interpretieren und kritisieren. Ein ergebnisoffenes Werkstattgespräch also.

Obwohl das keine typische Wasserglas-Lesung ist: erst mal Wasser einschenken. Im Publikum werden noch Kopien von Roths Texts rumgereicht, dann beginnt das Vorlesen der zehn Seiten Textausschnitt. Doch nach den ersten Worten – ein erstes verstohlenes Rüberlinsen zum Textdossier der Sitznachbarin, bald werden verwunderte Blicke im Publikum ausgetauscht, Leute blättern suchend. Bei der kurzen Lesepause zwischen ersten und zweitem Textteil räumt der Moderator entschuldigend ein, dass anscheinend der falsche Ausschnitt verteilt wurde. Aber da haben sich mittlerweile schon alle auf das Hörerlebnis eingelassen (Ausnahme: das kopfschüttelnde, betagte Ehepaar der ersten Reihe). Im zweiten Textteil stimmen die Auszüge auch wieder überein. Alle zufrieden (auch das strenge erste-Reihe-Ehepaar).

Im Anschluss an den Vorleseteil, der sich auf nur zehn Seiten Dramentext beschränkt, macht Anaïs Clerc den beschreibenden, resümierenden Einstieg in die Textbesprechung. Joni, die sechzehnjährige Tochter von Mutter Marit, ist seit drei Tagen verschwunden. Ein Grund zur Panik? Oder ein ‹gewöhnliches› Ausreissen einer Jugendlichen, auf ihrem Weg zum Erwachsenwerden? Wie erlebt es Mutter Marit? Die Lesarten der vorne auf dem Podium Diskutierenden gehen auseinander. Anhand des Verschwindens der Tochter behandelt der Dramentext das Thema Mutterschaft, ja, den aufreibenden Druck der unerfüllbaren gesellschaftlichen Erwartungen an das Konzept «Mutter». Eva Roth lässt Ebenen verschwimmen und nach dem Szenenwechsel befindet sich Figur Marit in einem surreal anmutenden «Traumland». Eine Übermutter, eine «Göttin», (er-)mahnt sie zur Entspannung und massiert ihr die Füsse. Der starke Atlas stützt dabei den Himmel.

Das Werkstattgespräch läuft an, offene Fragen werden angerissen, Fährten freigelegt, Interpretationen aufgestellt und wieder verworfen. Clavadetscher, Clerc, Lehmann und Langenegger machen ihre Beobachtungen direkt an Textstellen fest. Einige Zuschauer:innen bezeugen hie und da mit zustimmenden Geräuschen den geteilten Leseeindruck. Viele Oberkörper im Publikum lehnen sich gespannt nach vorne gen Podium. Dass in den Köpfen eifrig mitinterpretiert wird, beweist die Wortmeldung eines Zuschauers, als sich die Diskussionrunde für Meldungen aus dem Publikum öffnet. Er habe in der Göttin, in der Übermutter, ChatGPT erkannt.

Die Autorin Eva Roth macht sich während des Werkstattgesprächs Notizen, bleibt aber stumme Zuhörerin, gemäss der anfänglichen Abmachung. Erst am Ende der Veranstaltung richten Clavadetscher, Clerc, Lehmann, Langenegger direkt Fragen an Roth als Autorin. Umgekehrt gibt Roth ebenfalls Rückmeldung, welche Punkte sie in ihrer weiteren Bearbeitung des Stücks einfliessen lässt.

Aufgrund des kurzen Textausschnittes arbeitet sich das Werkstattgespräch anfänglich vor allem an offen geblieben Fragen und angeteaserten Leseerwartungen ab, was denn Erkenntnisgewinn schmälert. Dennoch überzeugt das dynamische Veranstaltungsformat vollends. Und wer Eva Roths Stück in voller Gänze sehen möchte, sollte kommenden Montagabend ins sogar Theater in Zürich. In der Reihe der Kaltlesungen lesen dort Schauspieler:innen in Anwesenheit der Autor:innen ein Theaterstück, das noch im Entstehen ist. Eva Roth ist am 22. Mai an der Reihe mit ihrem Stück, das aktuell den sprechenden Titel Der Himmel über Mamiland trägt.

Raphaela Edelbauer mit ihrem Wienroman in Solothurn

Der Andrang bei Raphaela Edelbauers Lesung aus ihrem aktuellen Erfolgsroman «Die Inkommensurablen» ist gross. Dicht gedrängt stehen die Interessierten sowohl im Foyer vor dem Landhaussal als auch auf der Treppe. Moderatorin Esther Schneider lenkt Raphaela Edelbauer durch die Menge, die Autorin müsse noch durch. Die Autorin selbst murmelt sichtlich überrumpelt über das chaotische Anstehverhalten der Zuschauer:innen: «Was machen die Leute?»

Noch chaotischeren Menschenmassen und einer weitaus intensiveren Reizüberflutung begegnet Edelbauers Protagonist Hans bei seiner Ankunft in Wien am frühen Morgen des 30. Juli 1914. Es ist der Tag vor dem Ausbruch des Ersten Weltkrieges. Edelbauers neuster Roman «Die Inkommensurablen» spielt nämlich in den 24 Stunden vor Kriegsausbruch und die Leser:innen folgen drei verschiedenen Protagonist:innen: dem belesenen Bauernsohn Hans, dem adligen Adam und Klara, die im Elendsviertel lebt, aber dank eines Stipendiums Mathematik studiert.

Während die vielfach prämierte österreichische Autorin sich in ihrem letzten Roman «Dave» mit Zukunft und künstlicher Intelligenz beschäftigte, nimmt sich Edelbauer in «Die Inkommensurablen» einem Wien an, das mehr als hundert Jahre zurückliegt. Trotz des historischen Stoffs, sei es ein Roman von grosser Aktualität, betont Moderatorin Esther Schneider. Gerade herrsche ja wieder Krieg in Europa, sei dies gar Ausgangspunkt des Romans gewesen? Edelbauer verneint, der Roman sei zwei Jahre vor der russischen Invasion in die Ukraine entstanden. Überhaupt fände sie es wichtig, kriegerische Gefechte getrennt voneinander zu betrachten und nicht vorschnelle Gemeinsamkeiten herzustellen. Vielmehr sei es Edelbauer darum gegangen, der Kriegsbegeisterung der damaligen österreichische Jugend nachzuspüren. Mit massenpsychologische Phänomenen setze sie sich generell in ihrem Schreiben auseinander. Zudem hatte sie schon immer einen Wienroman schreiben wollen. Anhand der drei Figuren, die alle in anderen «Ständen» aufgewachsen und ’sozialisiert› wurden, habe sie versucht ein umfassendes Panorama des fiebrigen Wiens um 1914 zu erschaffen. Eine Zeit, in der Wien die zweitgrösste Metrople Europas war und das Habsburger Reich noch weitläufige Gebiete umspannte. Sichtlich überrascht sind sowohl Moderatorin Schneider als auch das Schweizer Publikum, als Edelbauer auf die Frage, wie sie denn für den Roman recherchiert habe, antwortet, dass man in Österreich mit der k.u.k.-Zeit quasi aufwachse. Allein in Wien gebe es sehr viele Gründerzeithäuser, die Kaffeehaus-Kultur sei direkt aus der Habsburgerzeit weitergereicht, und schulisch sowie museal sehe man sich ständig mit dem Erbe der Monarchie konfrontiert. Dasselbe Spiel in der Literatur: «Ich habe Josef Roth und Musil inhaliert und ich liebe diese Leute. Aber irgendwann muss man auch mal was anderes machen», formuliert Edelbauer ihr Anliegen, der verbreiteten «Sisifizierung Österreichs» entgegenzutreten.

Selbstverständlich hat Edelbauer im Schreibprozess auch auf historische Quellen zurückgegriffen, beispielsweise viele Briefe von der Front gelesen. Doch in keiner Weise sei intendiert gewesen, eine historisch-naturalistische Sprache der Jugend in der Zeit des Ersten Weltkriegs zu imitieren, wie zum Teil im Feuilleton behauptet und bemängelt wird. Ihr Ziel sei von Anfang an eine Kunstsprache gewesen, die in grossen Teilen konventionell und nüchtern erzählt und in Passagen, wo die Figuren in die Wiener Subkulturen des Rausches abtauchen, ins Traumhafte übergeht. Die Herausforderung im Schreiben habe darin bestanden, den Krisenstaat des Kaiserreichs glaubhaft zu skizzieren, ohne den Figuren vermessene, überspitzte Inhalte in den Mund zu legen, und trotzdem sicherzstellen, dass auch Leute, die nicht in Österreich aufgewachsen sind, die Nuancierungen und den eingeflochtenen Humor verstehen.

Als plötzlich das Licht angeht, bricht leises Gemurmel im Saal aus. Fünfundvierzig Minuten sind schnell herum, wenn man sich angeregt über Literatur unterhält. Doch die zeitliche Punktlandung und verknappte Abschlussfloskel von Moderatorin Schneider entlässt die Zuschauer:innen etwas irritiert in die nächste Veranstaltung.

Monstre em(ti)pathique

C’est avec les lacets de ses Dr Martens détachés que Séverine Cornamusaz monte sur scène à l’occasion du troisième jour du festival littéraire soleurois. Elle ne perd pas l’équilibre pour autant et c’est sans faux pas qu’elle nous annonce la diffusion de son film Coeur Animal, adaptation cinématographique du roman Rapport aux bêtes (2002) de Noëlle Revaz.

Elle avoue d’emblée que Rapport aux bêtes n’est pas le livre à adopter dans le but d’une transposition au cinéma. Alors pourquoi ce choix ? Pour Rosine, sa grand-maman. Pour son histoire. Pour son univers qui résonne avec celui de Rapport aux bêtes.

Rosine donne son nom à la protagoniste féminine de Coeur animal. Cette femme est forte, elle a une voix et surtout un prénom, contrairement au personnage de «Vulve» du roman de Noëlle Revaz.

Impatiente d’entendre la voix de Rosine et celle de sa créatrice cinématographique, j’attends que les lumières s’éteignent et que les applaudissements se taisent…

Et là je reconnais. La vue sur la plaine du Rhône, les pics montagneux entourant Anzeindaz, les routes sinueuses, l’ancien hôpital de Monthey, l’hélicoptère d’Air Glacier, les roseaux des Grangettes, la maison où j’ai grandi.

Paysages chers à mon coeur, dans lesquels se cache une histoire à glacer le sang: un couple archaïque dans lequel Rosine est mariée à Paul, un homme aussi rustre que les animaux de son alpage isolé. Version sans euphémisme: Paul, un «pauvre type avec du fumier entre les orteils», un violeur, un monstre. Les nombreux plans rapprochés soulignent la dureté de ses traits et la violence de ses mains.

Étrange sensation pour Paul lorsqu’Eusebio, le garçon de ferme étranger, lève la main sur lui, rétorque, le reprend. «Le père, c’est sacré.» «Non, le sacré c’est la mère.»

Et mauvais pressentiment lorsqu’il voit que l’air chantant de cet ouvrier espagnol commence à toucher Rosine, à lui amener un peu de paix dans cet alpage d’enfer.

Et si Rosine partait ? Et si Paul se transformait ?

Avec en musique de fond les clochettes des chèvres, le bruit de la pluie, le beuglement du bétail, on se laisse guider vers les réponses que Séverine Cornamusaz donne à ces questions et on la regarde dessiner SA fin.

Le générique du film défile. La salle est silencieuse. Nous sommes… heurtés, touchés, en colère, en peine… Les bottes de pluie des protagonistes ont disparu de l’écran et ce sont les Dr Martens de leur créatrice qui réapparaissent.

Elle souligne une frontière sensible entre empathie et répulsion. Séverine Cornamusaz avoue avec assurance offrir une rédemption à Paul. Mais le public ne se prononce pas. Demeure silencieux. Peut-être encore choqué de la violence de certaines images, peut-être perdu dans l’immensité du décor montagnard, peut-être touché par les échos à des drames personnels. Offre-t-on notre pardon à Paul ? Notre aversion à son égard persiste-t-elle?

Les portes du Kino im Uferbau se referment et ces questions flottent dans l’air à la manière de la brume sur les pics entourant le plateau d’Anzeindaz.