Le livre d’heures de Mauro Placì

Dans la frontière errante, bref recueil de poésies. Une reliure blanche, sensuelle, cousue au fil, donne envie d’explorer les poèmes dans les marges des pages blanches. Une dédicace définit l’opuscule comme un «livre d’heures», ces anciens livres de prières enluminés, comme une invitation à prendre le temps d’une lecture méditative.

Trois autres citations en exergue nous ramènent à l’origine de la lumière et de la nuit. Elles sont suivies par le premier court poème, un Rêve composé de six vers de six syllabes. Les nombres ne seront pas anodins dans le recueil. Comme dans le livre de la Genèse, des animaux sont nommés, le «ramier» ou le «renard», que l’on imagine aussi en marge des manuscrits médiévaux. L’autre poème liminaire, Le Désordre des heures, introduit des vers libres et annonce une «cordillère» de «lignes», image inversée, pour les vers poétiques, de celle des sillons que les paysans creusaient dans leurs champs.

L’imaginaire biblique et médiéval s’élargit ensuite à d’autres mythologies, dans Signe indien, ou maya, pour signifier la destruction proche du monde («un grand serpent s’apprête à gober la terre»). Mythologie plus explicitement nordique dans le poème A la source du temps, qui convoque le «grand arbre» Yggdrasill ou le sage Mímir, ou encore mythologie tsigane, avec les fées de Kechali, qui jouent le rôle des Parques tissant le destin des hommes. Interrogé par Pierre Fankhauser, l’auteur explique à l’intimité de son public soleurois que son projet initial était de produire un «recueil de légendes», mais que ce fonds s’est dissous dans un travail plus large dont il ne faut plus forcément chercher à identifier les sources. La poésie ne se veut pas hermétique, ou alors hermétiquement ouverte. L’unité thématique du recueil est donnée par l’exploration des frontières, des «rivages» ou des «rives», que le poète aime à placer dans des jeux phoniques avec les «rêves». Une expression somme toute assez héraclitéenne, qui cherche le sens dans les marges, au-delà des opposés, comme dans cet extrait de L’Or des Naufrages :

Tu déchireras les voiles de la nef

Tu défricheras la terre et le ciel

Tu marchanderas un peu d’amour contre un peu de pluie fine

Tu vivras d’un feu bref

Une autre fois il fera noir quand tu hisseras l’Étoile

au sommet de ta perte

Alors

il n’y aura plus de nuit il n’y aura plus de jour

A Soleure, le poète explique que son travail vise la fidélité, la loyauté à une intuition première, à une voix interne, parfois plus ancienne que soi, loin du brouhaha du monde. La recherche poétique apparaît ici avant tout dans les sonorités, la précision des images et des rythmes, sur les traces d’un Gustave Roud que l’auteur admire, mais aussi dans la conscience rimbaldienne que le monde ne peut jamais vraiment être dit («la vraie vie est absente»). Première publication du jeune auteur neuchâtelois, pour nous la découverte d’un petit joyau d’enluminures.

«Ordonner le chaos» avec Corinne Desarzens

Cela fait quelques minutes que je déambule dans le Kino im Uferbau de Soleure. J’essaie de me positionner à des endroits stratégiques pour voir arriver Corinne Desarzens. Alors que je m’arrête à l’encadrure de la porte qui mène à la terrasse, et que, simultanément, je passe ma tête dedans, dehors, pour voir partout et ne pas me faire surprendre, j’entends des pas descendre l’escalier. Je me dis que c’est elle, vous savez ces jeux qu’on se fait à soi-même, s’assurer que c’est elle, s’en persuader, et si on gagne on se croit intuitif pour la journée, et si on perd, on oublie. Je me détourne, porte mon regard sur l’escalier ; en effet, c’est elle. Alors ça commence bien.

Notre rencontre prend directement l’allure d’un heureux hasard. C’est comme si deux amies de longue date se retrouvaient là, sans l’avoir fait exprès après plusieurs années, et qu’elles auraient tant de choses à se dire. Mais c’est qu’avec Corinne Desarzens, comme j’aurai l’occasion de le constater, toute rencontre est un retour de voyage à conter.

Nous nous installons dehors, au bord de l’eau. Pour l’une ce sera une eau minérale gazeuse, pour l’autre un expresso ; je vous laisse deviner. Au rythme de l’Aar, les paroles de Corinne Desarzens coulent sans s’interrompre. Son retour de Montpellier, les gens qu’elle y a rencontrés, le vent, ses enfants, le fait qu’elle n’a pas de téléphone portable et qu’elle vit très bien ainsi, qu’elle garde l’important en mémoire, comme ses deux poèmes que soudainement elle se met à me chanter.

Pendant une heure on aura peut-être parlé de tout, sauf des questions que j’avais pensé lui poser. Pour l’heure suivante que nous passerons ensemble, je lance l’enregistrement, pourtant déjà certaine que l’entretien ne prendra pas l’allure d’un jeu de question-réponse. Je commence malgré tout par une question des plus générales : «Pour qui écrivez-vous, pourquoi, comment ?» A quoi elle me répond : «Pour qui j’en sais rien, pourquoi j’en sais rien non plus, et comment, peu importe.»

J’aimerais particulièrement l’entendre parler de son livre La lune bouge lentement mais elle traverse la ville paru en 2020 aux Editions La Baconnière. Je lui raconte comme je l’ai lu. Comme je me suis trompée, à vouloir le lire vite, d’une traite, et comme il me semble que maintenant j’ai compris; ce livre se lit lentement. Un peu quand on veut, un peu comme on veut. Pour moi il se présente comme un menu : la carte est aux dernières pages, on va y piocher les intitulés qui nous mettent l’eau à la bouche, et on déguste des nouvelles aux milles saveurs, aux milles épices et aux milles couleurs.

Si on ne peut pas les lire vite, c’est que ces nouvelles sont d’une richesse insolente, à n’emprunter que les chemins de traverses, à prendre racine dans le détail, infatigables digressions. Et notre discussion, ce vendredi 19 mai, en prend la même allure, car Corinne Desarzens parle comme elle écrit. Alors la lire ou l’écouter, c’est se réjouir d’ouvrir les innombrables tiroirs d’une commode d’artisan, s’aventurer pour le jeu dans un labyrinthe, et s’y prendre, au jeu, toujours avec le même étonnement.

Le foisonnement de l’écriture de Corinne Desarzens nait d’une curiosité qui lui est naturelle. Elle s’intéresse à tout, avec la constante attitude, je crois, d’une voyageuse en quête d’autrui, ouverte à l’autre, toujours disposée à découvrir, à accueillir.

Si cette disponibilité offre matière à toute histoire, la tâche de l’auteur.ice sera de faire un choix, ou comme elle me le dit joliment, d'»ordonner le chaos». Elle vous l’expliquera bien mieux que moi, et vous aurez aussi l’occasion d’entendre sa voix :

Ordonner le chaos, voilà la tâche de l’auteur.ice selon Corinne Desarzens. Et voilà peut-être aussi la mienne, après cet entretien menée avec elle.

On ne ressort pas indemne d’une discussion avec Corinne Desarzens. C’est comme quand on rentre de voyage, décalage horaire et tête encore un peu ailleurs.

Schon mal vom Fleckenmusang gehört?

A. L. Kennedy und Matto Kämpf sprechen über einen Fleckenmusang und die Macht der Literatur. Ein heiterer Abend über die Wahrheit und das Lügen.

Für die schottische Schrifstellerin und Stand-Up-Comedian Kennedy ist es der letzte Tag einer fünfwöchigen Lesetour. Dennoch wirken sie und Matto Kämpf auf der Bühne munter wie eh und je. Jane Mumford moderiert das Gespräch souverän, obwohl sie anfangs scherzt, sie lese eigentlich viel zu wenig, um an den Literaturtagen sein zu dürfen.

Wikipedia-Geschichten

Für eine knappe Stunde unterhalten sich Kennedy und Kämpf angeregt und überbieten sich gegenseitig mit skurillen Anekdoten. Kennedy erzählt, auf der Wikipedia-Seite zu ihrer Person notierte eine Freundin vor einer Weile, sie hätte einen Fleckenmusang als Haustier. Natürlich sei das völliger Blödsinn. Das Tier mit dem seltsamen Namen ist eine sogenannte Schleichkatze, die man, wenn überhaupt, im Zusammenhang mit Luwak-Kaffee kennt (die Katzenart frisst gerne Kaffeekirschen, die verdauten und ausgeschiedenen Bohnen werden gesammelt, geröstet und teuer als Spezialitätenkaffee verkauft). Solchen Unfug erlaube sie sich manchmal auch bei Interviews, bei denen sie dann abstruse Dinge behaupte oder Lügen erzähle.

Was im Wald passiert

Obwohl die Neuerscheinungen von Kennedy und Kämpf sehr unterschiedlich sind, findet Mumford eine Gemeinsamkeit: den Wald. Der Protagonist in Kämpfs Roman Suppe, Seife, Seelenheil flieht vor der Belgrader Polizei in den Wald. Immer noch in Handschellen, versucht er, sich zurecht zu finden. Kämpf erzählt, er habe selbst Handschellen ausgeliehen, um ein Gefühl dafür zu erhalten. Er sei zwar nicht durch den Wald gerannt, aber habe gestaubsaugt.

Kennedy: «I’m only scared of weird things like saying ‹I love you›!»

Kennedys Essayband Der Kern der Dinge spielt zwar nicht im Wald, aber sie hat ihn dort geschrieben: in einer Hütte in den nordamerikanischen Wäldern. Ob sie sich nicht vor wilden Tieren gefürchtet habe, fragt Mumford, und Kämpf verweist beflissen auf den italienischen Bären, dem jüngst ein Jogger zum Opfer fiel. Kennedy verneint und scherzt, sie fürchte sich nur vor seltsamen Dingen wie dem «Ich-liebe-dich»-Sagen.

Die Macht der Literatur

Bei der Frage, ob Literatur die Welt verändern könne, werden die beiden etwas tiefsinniger. Sie verändere auf jeden Fall die Menschen, meint Kennedy. Dass Lesen nachweislich die Empathie fördert, führt sie ebenfalls an. Und dass es eine englische Unsitte sei, den Schriftsteller:innenberuf nicht ernst zu nehmen. Kämpf witzelt, dass seine Werke die Welt wahrscheinlich nicht verändern. Dann verweist er aber auf eine Lesung mit Kim de l’Horizon, die er am Morgen besucht habe. Nach dieser könne er ganz klar sagen, dass Literatur die Welt verändere. Auch das sogenannte ‹Sterben› des Journalismus spricht Mumford an. Kämpf und Kennedy sind sich einig: Heutzutage holen sich die Menschen ihre Fakten, ihre ‹Wahrheit› bei Comedians. Sie definieren humoristische Nachrichtenshows und Comedy-Shows als moderne Nachrichtenvermittlung. Als Beispiel könnte man wohl The Daily Show nennen.

Verführte Bären und lustige Vögel

Die beiden Neuerscheinungen von Kennedy und Kämpf spielen im Gespräch nur eine untergeordnete Rolle, was der Qualität der Veranstaltung aber keinen Abbruch tut. Der Saal ist nicht so gut besucht wie erwartet, was vielleicht daran liegt, dass das Gespräch auf Englisch geführt wird. Die Anwesenden lachen deswegen aber nicht weniger.

Kämpf: «I’m a fun bird»

Kämpf spricht zwar mit Akzent, aber ziemlich fliessend Englisch. Trotzdem sucht er immer wieder nach Wörtern und sorgt damit für einige Lacher, etwa als er das Wort ‹seduce› statt ‹sedate› verwendet oder den ‹Spassvogel› wortwörtlich übersetzt.

Wer sich auf einen lustigen Freitagabend gefreut hatte, wurde nicht enttäuscht.

Un village africain qui ne dit pas son nom

«Comme un certain Pablo a réuni les siens dans la jungle de Medellin, je vous ai rassemblé ici aujourd’hui pour… former un cartel, le premier cartel des Cocoaïans. […] L’Occident devra nous acheter la poudre de chocolat comme il achète la poudre de cocaïne.» (Gauz›, Cocoaïans, p. 105.)

Ainsi sonne la révolte imaginée dans le pamphlet écrit par Gauz›. Il ajoute: «Premier producteur de cacao au monde, la Côte d’Ivoire est pillée par les grands noms du chocolat comme Nestlé ou Lindt.» Froid dans la salle. Sa lecture agressive est accentuée par la façon dont il jette chacune de ses feuilles parterre, comme si le texte qu’il lisait était maudit, comme s’il devait témoigner d’une séparation douloureuse, d’un geste de cassure. «Ce qu’il faut en Afrique, c’est que le peuple prenne le pouvoir! Et en prenant le pouvoir, il va sevrer l’Occident de chocolat.»

Interrogé par Henri-Michel Yéré, Gauz› n’épargne aucun aspect de la langue française («on prend leur langue et on la saccage pour créer nos Belles-Lettres») et va même jusqu’à proposer de déplacer l’Académie française «entre Dakar et Douala», car la plus grande partie des francophones s’y trouvent. Comme dans Cocoaïans, la verve de Gauz› a des allures de programme politique qui vise à un renversement du marché du cho-co-lat. Répétez après lui : CHO-CO-LAT. «C’était sûr que vous le prononceriez bien en Suisse, vous en mangez des dizaines des kilos par tête et par année».

C’est exactement par la thématique de la Suisse que j’entame notre entrevue autour d’une bière :

– Gauz›, dans ton livre, tu parles de Nestlé, de Lindt et pendant ta lecture tu as mentionné que la Suisse est le pays du temps. Que penses-tu réellement de la Suisse?

– La Suisse est pour moi la banque-voleuse du monde. On n’a qu’à regarder tous les comptes bancaires des dictateurs… Et pourtant… la Suisse a autre chose : c’est aussi le pays des ouvriers spécialisés, de la tradition et de la transmission du savoir-faire. En ça, la Suisse ressemble à l’Afrique : avec ses langues, son système fédéral, un pays où l’on transmet le savoir ancestral ; finalement, la Suisse est un village africain qui ne dit pas son nom.

Gauz› n’a peur de rien ni de personne. Aussi respectés de l’Histoire soient-ils, tous les grands hommes sont criblés des mots acérés de l’auteur : «Tu vois Nelson Mandela? Bah c’est un con! Il a vendu l’Afrique du Sud aux capitalistes. Il n’a jamais été le défenseur des Noirs. Ceux qui l’étaient se battaient sur le terrain.»

Pourtant, les choses sont en train de changer en Occident. Pour Gauz›, la culture africaine pénètre de plus en plus notre quotidien et ce de différentes façons : «Regarde le rap!», me dit-il. «Le rap a ramené l’Afrique en Occident. C’est l’esthétique africaine, la recherche de l’oralité dans l’écriture. Et c’est ça qui les met en danger, car ils se disent : ah, ils ont fui la plantation.» Je lui demande alors sa punchline de rap préférée et il ne peut s’empêcher de mentionner le rappeur sénégalais Booba : «Si je traîne en bas de chez toi, je fais chuter le prix de l’immobilier.» Phrase qui selon lui, «veut tout dire» et à laquelle je réponds par un refrain du rappeur camerounais Dinos : «Les Champs-Elysées brillent avec la lumière de l’Afrique.»

Je repars de notre entrevue, encore bouleversé et touché par la force des mots de Gauz›. Non, ne vous inquiétez pas, il n’est pas méchant, ni agressif… Non! Il est sincère et ne vise qu’à rétablir la vérité, qu’elle soit dérangeante ou non.

CHO-CO-LAT.

Schlemmen in Solothurn

Nicht nur die Veranstaltungen sind in Solothurn wichtig, sondern auch die Pausen mit guten Freunden, um gemeinsam die Aare sowie die gesamte Atmosphäre wahrzunehmen.

Entlang der Aare gibt es in Solothurn unterschiedliche Restaurants und Cafés, die verschiedene kulinarische Köstlichkeiten anbieten. Bekannt sind das Barock Café mit ihrem «z’Morge Turm», mit dem man perfekt in den Tag starten kann. Nicht nur das Essen ist lecker, auch das Servicepersonal ist superfreundlich.

Wer nach all den Veranstaltungen am Nachmittag einen Durchhänger hat und sich eine kleine Stärkung mit Kaffee wünscht, ist in der Soleur Bar genau richtig. Egal ob Tee, Chai Latte oder Kaffee, die Bar hat alles, was das Herz begehrt. Natürlich darf auf etwas Süsses nicht fehlen, so empfiehlt sich der Baileyscake mit einem Klacks Sahne. Mit einer fantastischen Aussicht über die Aare lässt sich diese Süssspeise noch mehr geniessen. Auch wenn die Sonne heute etwas scheu ist, strahlt Solothurn seine Ruhe und frühlingshafte Aura aus.

Wem ein Kaffee nicht reicht und lieber bereits in den Apéro einsteigen möchte, erhält an der Soleur Bar auch diverse Digestif, Apéritivs und Drinks. Diese können drinnen oder auch draussen gemeinsam mit Freunden genossen werden. Wobei sich bei gutem Wetter natürlich die Gartenbar empfiehlt mit ihren kleinen Tischen und der Mauer, auf der sich gemütlich „päuselen“ lässt.

Der letzte Tag in Solothurn hat sich nochmals von seiner besten Seite gezeigt. Es ist richtiges Glace-Wetter. Das kann entweder bei der Vitaminstation ca. 100 Meter Richtung Altstadt geschlemmt werden, wobei dort die Schlange schon extrem lang ist. Eine andere Möglichkeit ist es, zur Gelateria Pizzeria Italia weiter zu wandern, die auch sehr beliebt ist. Dort gibt es sehr leckere selbstgemachte Glace. Diese lässt sich am besten auf der Mauer an der Aare, zwischen den vielen Menschen, die sich auch hinaus in dieses schöne Wetter begeben haben, geniessen.

Premiers (en-)vols en littérature

Invitées de Britta Spichiger, Sarah Elena Müller a récemment publié son premier roman en nom propre et Julia Toggenburger un recueil de poésie. Sur les ondes de SRF, retour sur le grand saut de l’écriture à la publication et l’occasion de passer au crible du regard de ces deux jeunes autrices quelques lieux communs. Si pour vous, comme pour moi, écrire et publier est pour l’heure du domaine de l’impensable, sauront-elles vous donner l’envie d’ouvrir vos ailes ?


Et l’inspiration fut
Je ne m’étais jamais imaginé la production littéraire autrement que comme le jaillissement, au bout du crayon, d’un trait d’inspiration qui s’épanche une fois pour toutes sur une page. D’entrée de jeu, Sarah Elena Müller fait voler mes représentations en éclats. Pour elle, le livre est la synthèse fonctionnelle d’une pratique de production multimodale. Dans toute sa matérialité, il est le fruit et la nécessaire contrepartie d’une écriture par bribes et fragments, avant tout une pratique répétitive et mouvante. C’est un milestone qui a pour vocation de durer, il représente la stabilité dans la diversité d’une production en perpétuelle transformation.


L’écriture, cette douleur
Vous avez peut-être aussi de l’écriture l’image d’une discipline rigoureuse, solitaire et austère, un véritable fardeau du quotidien. Pourtant, pratique de tous les instants, elle a le pouvoir de l’alléger. L’important, pour Julia Toggenburger, c’est d’écrire, à chaque fois qu’une feuille ou un clavier tombe sous la main, comme par rituel. Et Sarah Elena Müller de renchérir ; l’écriture comme fardeau ? C’est complètement exagéré, disons plutôt un sacré espace de liberté.


Publier, à quoi bon le chemin de croix ?
L’accès à la publication est réputé labyrinthique et, a priori, cela n’a rien d’engageant. Mais de l’expérience des autrices, le postulat est à reformuler ; se faire publier est plutôt un parcours hasardeux. Étonnamment, pour Julia Toggenburger, la première publication s’est faite tout naturellement, de bouche à oreille et voilà le texte sous presse. Mais naturellement, il n’en est pas toujours ainsi. Et Sarah Elena Müller d’ajouter, cela dépend aussi de l’importance que l’on accorde au choix de l’éditeur. Et, bien sûr, à moins de produire des best-sellers, l’opération ne peut être qualifiée de lucrative.


Écrire – se vendre – se faire lire ; la quadrature du cercle
Dans le flot des publications des rentrées littéraires, encore faut-il sortir du lot pour être lu·e. Les livres parviennent par vagues dans les rédactions, confirme Felix Münger, et en tant que journaliste le goût personnel n’est de loin pas le dernier critère au moment de prendre des décisions éditoriales. Au-delà des qualités rédactionnelles du texte, ce qui compte avant tout c’est l’impression qu’il suggère, ce qu’il donne à vivre. Alors oui, il y a certainement une part de subjectif et une autre qui tient de l’actualité, des grandes thématiques de société du moment. Si l’œuvre fait écho, elle aura d’autant plus de chances d’être relayée.


Alors pour conclure, restons-en donc sur ces deux grands principes : avant d’écrire pour publier, rédigez par habitude plutôt que pour publier, de manière singulière et surtout vivace. Et pour le reste, laissez la providence faire la différence. Vous sentez-vous soudainement pousser des ailes ?

Kim de l’Horizon: «Der Text ist intelligenter als ich.»

Eine Art Klassentreffen ist es zwischen Kim de l’Horizon und Moderatorin Nadia Brügger, die zusammen studiert haben. Aber ein sehr öffentliches, offizielles, auf der Bühne des Landhaussaals. Ihre Laufbahnen haben sich zwar in unterschiedliche Richtungen entwickelt, aber beide schreiben immer noch: Brügger an ihrer Dissertation und de l’Horizon literarisch. Und beide schreiben lange an ihren Texten: De l’Horizon schrieb das «Blutbuch» über zehn Jahre hinweg. Die Entwicklung von de L’Horizons «écriture fluide» angelehnt an die «écriture feminine» brauchte solange, das intensive Schreiben am Blutbuch seien nur etwa die letzten zwei Jahre davon gewesen.

Bei Nadia führte das lange Schreiben dazu, dass schon fertige Passagen nach einer Weile eine gründliche Überarbeitung nötig hatten. Ob Kim denn auch vieles streichen musste? Natürlich sei vieles gestrichen worden, meint de l’Horizon auf diese Frage. Im Gegensatz zu einer Dissertation müsse man beim literarischen Schreiben aber nicht alles auf eine intellektuelle Ebene bringen. Das Monster unter der Bettdecke werde bei einer Dissertation aufgedeckt und seziert. Beim literarischen Schreiben, wie es de l’Horizon praktiziert, könne man auch mal blind hineingreifen, rumwühlen und einfach beschreiben, wie es sich anfühle. «Der Text ist intelligenter als ich.», fasst de l’Horizon das Phänomen des Schreibens zusammen. «Es ist ein Flickenteppich.»

Das kommt wohl von der «écriture fluide», die dazu führt, dass eine Vermischung auf allen Ebenen geschieht. Nicht nur vereinigt das Blutbuch verschiedene Gattungen miteinander, von Tagebuch, über wissenschaftlichen Text, Lyrik und Roman; auch die Körper, Pflanzen und Pilze werden hybrid. De l’Horizons Denken über die Literatur, zweifellos auch durch das absolvierte Studium gefärbt, zeichnet sich nicht nur in Schrift, sondern auch im Gespräch auf der Bühne ab. Die Fragen und Antworten sind mal sehr spezifisch, mal vage und fliessen von einem Thema ins nächste über. Den vielen Gedankensträngen zu folgen, ist keine leichte Aufgabe. Dass das Publikum trotzdem so zahlreich erschienen ist, dass nicht einmal alle im Landhaussaal Platz fanden, zeigt aber, dass mit solchen Büchern und Gesprächen ein Bedürfnis gestillt wird.

Weil Sprachen anders denken

Kim de l’Horizons «Blutbuch» bewegt auch ausserhalb der Grenzen des deutschsprachigen Raums: Der Roman wird gerade in fünfzehn Sprachen übersetzt. Als ein Text, der Sprachnormen aufbricht und mit dem Verhältnis von Schweizer Mundart und Standardsprache spielt, birgt er für Übersetzer:innen grosse Herausforderungen, bietet aber auch Raum für Kreativität. Im Rahmen des Übersetzungsprogramms der Solothurner Literaturtage sprechen Kim de l’Horizon, Übersetzerinnen Jamie Lee Searle und Nataša Medved über die Übertragung des Romans ins Englische und Kroatische. Die Kulturjournalistin Jennifer Khakshouri moderiert. In der gut besuchten Säulenhalle sitzen die Gesprächsteilnehmer:innen vorne auf dem Podium und sind sich einig: Einen unübersetzbaren Text gibt es nicht, die entscheidende Frage sei nur das Wie.

Sowohl Jamie Lee Searle, die als Übersetzerin aus dem Deutschen und Portugiesischen ins Englische arbeitet, und Nataša Medved, freie Übersetzerin aus dem Deutschen und Französischen ins Kroatische, wurden letzten Sommer auf Blutbuch aufmerksam und bemerkten schnell: Hier passiert etwas Neues mit Sprache! Um der genderfluiden, -inkludierende Sprache, den Neologismen und unterschiedlichen Registern der Schweizer Mundart bei der Übertragung angemessen zu begegnen, nahmen sowohl Medved als auch Searle letzte Woche am «Blutbuch»-Übersetzungsworkshop im Übersetzerhaus Looren teil. Ganze elf Übersetzer:innen tauschten sich dort aus. Die Zielsprachen waren Italienisch, Niederländisch, Slowakisch, Katalanisch, Dänisch, Französisch, Tschechisch, Kroatisch, Norwegisch, Englisch und Spanisch. Auch Kim war anwesend, dey jetzt auf dem Podium betont, wie wichtig es dey sei den Übersetzer:innen Freiheiten zu lassen. Je nach Zielsprache sei es möglicherweise auch notwendig, extra Absätze hinzuzufügen, um den deutschen Original zu entsprechen. In jeder Sprache sässen andere Augen, stellt Kim die Referenz zu Herta Müller her, es sei ihm wichtig, dass dies in der Übersetzung berücksichtigt werden. Ein konkrete Ausführung liefert hierzu Übersetzerin Nataša Medved: Im Kroatischen, wo generell viel gegendert werde, seien sogar die Verben der Vergangenheitsform dem Geschlecht der Sprecher:innen angepasst (jedoch nicht in der Präsens- und Zukunftsform). Im Englischen, wo Artikel geschlechtsneutral und they/their plus Singular längst als Form für non-binäre Personen verbreitet seien, gehe es vielmehr darum Wege zu finden, das Ringen mit Sprache der non-binären Hauptfigur in «Blutbuch» trotzdem zu spiegeln. Diese Herausforderung zeigt sich schon in den ersten paar Sätzen des Prologs, die Kim vorliest: Das von Kim verwendete Pronomen «jemensch» liesse sich mit «you» oder «one» übersetzen, jedoch ginge so die Wortneuschöpfung verloren, meint Jamie Lee Searle. Sie möchte daher irgendeinen Neologismus finden.

Das richtige Mass zu finden, sei die Schwierigkeit, hakt Kim an dieser Stelle ein und spannt damit den Bogen zu seinem eigenen Schreibprozess: Leser:innen sollen über neue Sprachformen stolpern, ohne dass der Fluss des Textes – des Lesens – unterbrochen wird. «Blutbuch» sei eine Einladung in eine schwere Lektüre, bei der das Gewicht in Körperlichkeit hineinziehen solle, ohne aber zu erdrücken. Auf die Frage der Moderatorin, ob er denn beim Schreiben von «Blutbuch» schon an potentielle Übersetzungen gedacht habe, schmunzelt Kim und verneint. Er habe nicht einmal damit gerechnet, dass der Roman publiziert würde und wenn, dann «nur» bei einem queeren Nischenverlag. Gleich zwei renommierte Prämierungen, viel Presse und sehr gut besuchte Veranstaltungen wie heute beweisen das Gegenteil. Übersetzerin Nataša Medved bringt auf den Punkt, was Blutbuch leistet: Der Roman zeige, wie viel mensch mit Sprache machen könne und inwieweit Sprache unsere Realitäten formt. Warum sollen Sprachnormen starr fixiert bleiben, wenn sie doch so viele Chancen zur kreativen Grenzüberschreitung bieten?

Faire résonner des poèmes en suisse-allemand

J‘arrive à la Cantina del Vino vers 14:40. Just in time! Il ne reste plus qu’une poignée de places. Je m’assieds et laisse mon regard vagabonder. J’ai l’impression que je fais baisser la moyenne d’âge de quelques années, mais derrière moi se trouve une personne qui semble en fait plus jeune que moi.

Après un petit mic check, nous attendons le début de l’événement de SRF – „Dini Mundart mit Berta Thurnherr und Anna Frey“. Pour quelqu’un qui s’intéresse à la dialectologie, c’est un must go à Soleure.

In the limelight se trouvent deux femmes dont la langue maternelle est le suisse-allemand, avec lequel elles jonglent et expérimentent en écrivant des poèmes. Ces deux femmes ont en commun le plaisir de la sonorité de la langue et de la musique, qui se transforme au bout du compte en œuvre littéraire.

La luna, la lune, the moon, dr moo…

Berta Thurnherr présente un de ses poèmes, et c’est ainsi que la jeune étudiante in midst of the older generation se trouve de nouveau dans un contexte de multilinguisme. Thurnherr dit qu’elle était elle-même à la recherche des sons des différentes langues, mais qu’à la fin, elle est revenue à son propre dialecte, un dialecte suisse qui n’a pas beaucoup de prestige, comme elle l’avoue: «Mer ghöred nöd zu Öschtriich, und fürd Schwiizer ischs en wüeschte Dialäkt.» Mais malgré tout, elle décrit son dialecte comme « sa peau », comme quelque chose qui est toujours avec elle, et Thurnherr en est fier. Souvent, les gens lui demandent

« Ja verschtanz di denn ? » – « das isch mer egal »
[Mais, est-ce qu’ils te comprennent ? – Je m’en fiche.]


Pendant que Berta Thurnherr fait résonner son texte, la petite salle se remplit avec les rythmes et la musique dont elle nous avait parlé. La fascination pour la musicalité de la langue est contagieuse, et les auditeurs hochent la tête aussi au rythme de la chanson d’Anna Frey.

Les dialectes suisses sont particuliers – dans un si petit pays, on a l’impression d’entendre une mélodie de langue différente à chaque coin de rue. Voilà pourquoi la question « Was bedütet für euch Spraach ? » [Que signifie la langue pour vous ?] semble la plus pertinente de cet évènement. Berta Thurnherr mentionne l’acquisition des langues chez les enfants – il est extrêmement intéressant d’observer comment les enfants pensent. Ensuite, avec la langue nous construisons des ponts entre les personnages et les cultures. Anna Frey ajoute qu’il ne faut pas se limiter à un dialecte suisse ou une autre langue, mais que le langage corporel est aussi une langue. Au fond, la langue est quelque chose qu’on construit et invente ensemble.

«Du muesch nöd lose was ich säg, sondern verstah was ich mein.»
[Tu ne dois pas écouter ce que je dis, mais comprendre ce que je veux dire.]


Parler et se faire comprendre, c’est aussi une lutte. Mais quand on a enfin surmonté les préjugés, on peut en être fier – et confident, comme Berta Thurnherr le souligne : « Mer händ ebe en guete Dialekt, egal obs üs verstönd. Mer müend ufenand loose und enand welle verstah. » [Nous avons un bon dialecte, peu importe si les autres nous comprennent ou pas. Nous devons nous écouter les uns les autres et vouloir nous comprendre.]

Pour les deux autrices, le dialecte incarne la personnalité, l’identité – il fait partie de nous et nous sensibilise à notre patrimoine culturel. Après cette conclusion, je me lève et quitte la petite salle, et c’est à ce moment que la moyenne d’âge remonte jusqu’à ce que la salle se soit vidée complètement.

Lis la traduction ! Dans l’original, on perd beaucoup

Ein deutsch-französisches Interview mit Ruth Gantert

Ruth Gantert et moi nous sommes donné rendez-vous devant le Kino im Uferbau à Soleure. Comme le café de ce dernier est encore fermé, nous nous installons au bord de l’Aar pour notre entretien. 

Ce n’est pas seulement notre amour des langues qui nous lie. Ruth Gantert a également débuté sa carrière comme enseignante après avoir étudié le Français et l’Italien aux universités de Zurich, Paris et Pise. Cependant, elle s’est vite aperçue qu’elle préférait se plonger dans la littérature plutôt que dans l’explication de structures linguistiques. C’est ainsi qu’elle est devenue, par l’intermédiaire d’une amie, directrice de la rédaction de l’annuaire trilingue des littératures suisses Viceversa et de la plate-forme Internet www.viceversaliteratur.ch.   

Maîtrisant les quatre langues nationales, Ruth Gantert traduit des textes de l’italien, du français et du rhéto-roman en allemand. Dies erfordert natürlich eine enorme Flexibilität von der Zürcherin – nicht nur im « Sprachen hüpfen », sondern auch geographisch: Sie ist in der ganzen Schweiz unterwegs. Im Zug reise sie aber sehr gerne, denn hier könne sie gut arbeiten – jedoch ohne Internet, um sich voll und ganz auf ihre Arbeit zu fokussieren. 

A Soleure, elle fait de même : elle passe d’une langue à l’autre entre les différentes manifestations. Depuis longtemps déjà, elle participe aux Journées littéraires, mais cette fois-ci, elle est particulièrement heureuse car une place de choix est réservée aux traducteurs et traductrices. Pendant trop longtemps, le travail de ces derniers n’a pas été accrédité, mais cela commencé à changer. Wir sprechen darüber, wie wichtig die Übersetzertätigkeit ist, denn Übersetzerinnen und Übersetzer haben die Möglichkeit, Leuten, die nicht mehrsprachig sind, neue Welten zu eröffnen. In enger Zusammenarbeit mit Autoren und Lektoren entstehen «neue alte» Werke, damit deren Inhalte ein noch grösseres Publikum erreichen können. 

Man darf also keinesfalls davon ausgehen, dass bei einer Übersetzung etwas verloren geht, sondern vielmehr, dass erweitert werden kann. So erwähnt Ruth Gantert ein Zitat eines Cartoons von Hauck & Bauer, wo es um die Übersetzung von Winnie-the-Pooh geht: 

„Das Buch musst Du in der Übersetzung von Harry Rowohlt lesen. Im Original geht da viel verloren.“ 

«Tu dois lire ce livre dans la traduction de Harry Rowohlt. Dans l’original, on perd beaucoup.»                                                                                    

– Hauck & Bauer

Les possibilités de traduction sont vastes. Ensemble, nous philosophons sur la manière dont l’accès aux langues étrangères pourrait également être facilité pour les enfants, si l’on arrivait à les enthousiasmer pour la traduction. So könnte man auch dem Englischen als langue vernaculaire ein bisschen entgegenwirken – wir haben ja schon 4 Landessprachen, von denen wir einige bestimmt noch stärken dürften. 

Einen wichtigen Beitrag zu diesem Unternehmen macht die Literaturzeitschrift Viceversa, für welche Ruth Gantert sich seit Jahren mit Herzblut engagiert. Hier werden fleissig Texte übersetzt, diskutiert und in einem Buch, welches es nur physisch zu kaufen gibt, publiziert. La publication la plus récente qui porte le titre Au contraire présente un dossier d’écrivains et écrivaines, des inédits et des cartes blanches de traduction que je voudrais pour finir chaleureusement recommander. J’ai pu admirer moi-même la version française que Ruth Gantert m’a offerte – merci beaucoup !