« Je rêve beaucoup, vous savez. C’est bien, non ? De rêver. »

Il est peut-être un peu trop tôt pour une salle pleine. « Jukili pour adult·e·s / Jukili per adulti·e » va débuter. Sur la scène, deux illustratrices, un auteur, une modératrice, pour nous parler de la littérature de jeunesse illustrée. Elanor Burgyan et Giorgio Volpe viennent présenter Il Grande Alveare, et Haydé Les dix petites souris, première illustration de sa part pour un texte qu’elle n’a pas écrit.

Il Grande Alveare, publié en mars 2022 aux éditions Mondadori, raconte l’histoire d’un jeune blaireau, qui vit sa première expérience théâtrale devant une représentation du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, puis l’envers du décor lorsqu’il se glisse dans les coulisses de l’arbre-théâtre où évoluent un macareux femelle gloutonne, une paonne, une girafe, un crocodile et d’autres. Les dix petites souris, écrit par Colin Thibert et publié en décembre 2022 aux éditions La joie de lire, raconte le périple de dix souris pour Paris, où elles n’arrivent jamais.

Pour les deux ouvrages, deux constantes : l’attente et le rêve. D’un côté, l’auteur italien et l’illustratrice tessinoise ont dû patienter plusieurs années et plusieurs versions avant de voir leur ouvrage publié: le passage de Roméo et Juliette à Songe d’une nuit d’été nous a par exemple – malheureusement – privé·es d’un Mercutio-licorne. D’un autre côté, Haydé fait part de sa spontanéité et raconte les cinq années que son ami a dû passer à courir après elle pour qu’elle débute l’illustration de l’ouvrage. Dans les deux cas, des fruits d’une longue attente, habillée de travail. Les deux illustratrices expliquent leur processus de création : les prises de notes, le crayon, l’aquarelle et la création numérique pour Elanor Brugyan. Haydé s’émerveille des possibilités techniques, elle qui découpe ses dessins à la main pour les modifier.

Derrière tous les aspects techniques plane la notion de rêve. Pour Giorgio Volpe, montrer aux enfants l’univers du théâtre, c’est en quelque sorte leur éviter l’impossibilité, que lui a expérimentée dans sa jeunesse, de cultiver cette passion. C’est aussi leur montrer la complexité du lieu théâtral et la diversité des acteur·ices de cet univers. Pour Haydé, le rêve, c’est la multitude de projets qui volètent dans son esprit, jusqu’à ce que son éditrice impose des barrières à cette énergie du présent : « Mon éditrice attend. Bon. Elle est très patiente. »

Sur la scène, deux illustratrices, un auteur, une modératrice. On remarque l’intérêt des un·es pour les autres. On ressent les auras différentes qui se dessinent, et la volonté commune qui se manifeste : offrir aux enfants, mais pas que, des pages dans lesquelles s’évader.

Faire résonner des poèmes en suisse-allemand

J‘arrive à la Cantina del Vino vers 14:40. Just in time! Il ne reste plus qu’une poignée de places. Je m’assieds et laisse mon regard vagabonder. J’ai l’impression que je fais baisser la moyenne d’âge de quelques années, mais derrière moi se trouve une personne qui semble en fait plus jeune que moi.

Après un petit mic check, nous attendons le début de l’événement de SRF – „Dini Mundart mit Berta Thurnherr und Anna Frey“. Pour quelqu’un qui s’intéresse à la dialectologie, c’est un must go à Soleure.

In the limelight se trouvent deux femmes dont la langue maternelle est le suisse-allemand, avec lequel elles jonglent et expérimentent en écrivant des poèmes. Ces deux femmes ont en commun le plaisir de la sonorité de la langue et de la musique, qui se transforme au bout du compte en œuvre littéraire.

La luna, la lune, the moon, dr moo…

Berta Thurnherr présente un de ses poèmes, et c’est ainsi que la jeune étudiante in midst of the older generation se trouve de nouveau dans un contexte de multilinguisme. Thurnherr dit qu’elle était elle-même à la recherche des sons des différentes langues, mais qu’à la fin, elle est revenue à son propre dialecte, un dialecte suisse qui n’a pas beaucoup de prestige, comme elle l’avoue: «Mer ghöred nöd zu Öschtriich, und fürd Schwiizer ischs en wüeschte Dialäkt.» Mais malgré tout, elle décrit son dialecte comme « sa peau », comme quelque chose qui est toujours avec elle, et Thurnherr en est fier. Souvent, les gens lui demandent

« Ja verschtanz di denn ? » – « das isch mer egal »
[Mais, est-ce qu’ils te comprennent ? – Je m’en fiche.]


Pendant que Berta Thurnherr fait résonner son texte, la petite salle se remplit avec les rythmes et la musique dont elle nous avait parlé. La fascination pour la musicalité de la langue est contagieuse, et les auditeurs hochent la tête aussi au rythme de la chanson d’Anna Frey.

Les dialectes suisses sont particuliers – dans un si petit pays, on a l’impression d’entendre une mélodie de langue différente à chaque coin de rue. Voilà pourquoi la question « Was bedütet für euch Spraach ? » [Que signifie la langue pour vous ?] semble la plus pertinente de cet évènement. Berta Thurnherr mentionne l’acquisition des langues chez les enfants – il est extrêmement intéressant d’observer comment les enfants pensent. Ensuite, avec la langue nous construisons des ponts entre les personnages et les cultures. Anna Frey ajoute qu’il ne faut pas se limiter à un dialecte suisse ou une autre langue, mais que le langage corporel est aussi une langue. Au fond, la langue est quelque chose qu’on construit et invente ensemble.

«Du muesch nöd lose was ich säg, sondern verstah was ich mein.»
[Tu ne dois pas écouter ce que je dis, mais comprendre ce que je veux dire.]


Parler et se faire comprendre, c’est aussi une lutte. Mais quand on a enfin surmonté les préjugés, on peut en être fier – et confident, comme Berta Thurnherr le souligne : « Mer händ ebe en guete Dialekt, egal obs üs verstönd. Mer müend ufenand loose und enand welle verstah. » [Nous avons un bon dialecte, peu importe si les autres nous comprennent ou pas. Nous devons nous écouter les uns les autres et vouloir nous comprendre.]

Pour les deux autrices, le dialecte incarne la personnalité, l’identité – il fait partie de nous et nous sensibilise à notre patrimoine culturel. Après cette conclusion, je me lève et quitte la petite salle, et c’est à ce moment que la moyenne d’âge remonte jusqu’à ce que la salle se soit vidée complètement.

Lis la traduction ! Dans l’original, on perd beaucoup

Ein deutsch-französisches Interview mit Ruth Gantert

Ruth Gantert et moi nous sommes donné rendez-vous devant le Kino im Uferbau à Soleure. Comme le café de ce dernier est encore fermé, nous nous installons au bord de l’Aar pour notre entretien. 

Ce n’est pas seulement notre amour des langues qui nous lie. Ruth Gantert a également débuté sa carrière comme enseignante après avoir étudié le Français et l’Italien aux universités de Zurich, Paris et Pise. Cependant, elle s’est vite aperçue qu’elle préférait se plonger dans la littérature plutôt que dans l’explication de structures linguistiques. C’est ainsi qu’elle est devenue, par l’intermédiaire d’une amie, directrice de la rédaction de l’annuaire trilingue des littératures suisses Viceversa et de la plate-forme Internet www.viceversaliteratur.ch.   

Maîtrisant les quatre langues nationales, Ruth Gantert traduit des textes de l’italien, du français et du rhéto-roman en allemand. Dies erfordert natürlich eine enorme Flexibilität von der Zürcherin – nicht nur im « Sprachen hüpfen », sondern auch geographisch: Sie ist in der ganzen Schweiz unterwegs. Im Zug reise sie aber sehr gerne, denn hier könne sie gut arbeiten – jedoch ohne Internet, um sich voll und ganz auf ihre Arbeit zu fokussieren. 

A Soleure, elle fait de même : elle passe d’une langue à l’autre entre les différentes manifestations. Depuis longtemps déjà, elle participe aux Journées littéraires, mais cette fois-ci, elle est particulièrement heureuse car une place de choix est réservée aux traducteurs et traductrices. Pendant trop longtemps, le travail de ces derniers n’a pas été accrédité, mais cela commencé à changer. Wir sprechen darüber, wie wichtig die Übersetzertätigkeit ist, denn Übersetzerinnen und Übersetzer haben die Möglichkeit, Leuten, die nicht mehrsprachig sind, neue Welten zu eröffnen. In enger Zusammenarbeit mit Autoren und Lektoren entstehen «neue alte» Werke, damit deren Inhalte ein noch grösseres Publikum erreichen können. 

Man darf also keinesfalls davon ausgehen, dass bei einer Übersetzung etwas verloren geht, sondern vielmehr, dass erweitert werden kann. So erwähnt Ruth Gantert ein Zitat eines Cartoons von Hauck & Bauer, wo es um die Übersetzung von Winnie-the-Pooh geht: 

„Das Buch musst Du in der Übersetzung von Harry Rowohlt lesen. Im Original geht da viel verloren.“ 

«Tu dois lire ce livre dans la traduction de Harry Rowohlt. Dans l’original, on perd beaucoup.»                                                                                    

– Hauck & Bauer

Les possibilités de traduction sont vastes. Ensemble, nous philosophons sur la manière dont l’accès aux langues étrangères pourrait également être facilité pour les enfants, si l’on arrivait à les enthousiasmer pour la traduction. So könnte man auch dem Englischen als langue vernaculaire ein bisschen entgegenwirken – wir haben ja schon 4 Landessprachen, von denen wir einige bestimmt noch stärken dürften. 

Einen wichtigen Beitrag zu diesem Unternehmen macht die Literaturzeitschrift Viceversa, für welche Ruth Gantert sich seit Jahren mit Herzblut engagiert. Hier werden fleissig Texte übersetzt, diskutiert und in einem Buch, welches es nur physisch zu kaufen gibt, publiziert. La publication la plus récente qui porte le titre Au contraire présente un dossier d’écrivains et écrivaines, des inédits et des cartes blanches de traduction que je voudrais pour finir chaleureusement recommander. J’ai pu admirer moi-même la version française que Ruth Gantert m’a offerte – merci beaucoup ! 

Literatur als Spektakel

Im vollen Gemeinderatssaal im Landhaus sitzen Silvia Süess, Vincent Kaufmann und Hengameh Yaghoobifarah (HY) am Tisch. Die Redaktionsleiterin Kultur/Wissen der WOZ moderiert die Diskussion zwischen dem ehemaligen Direktor des Instituts für Medien- und Kommunikationsmanagement an der Universität St.Gallen und der Berliner Autor*in, Journalist*in und Medienwissenschaftler*in. Während einer Stunde wird darüber gesprochen, inwiefern neuere Phänomene wie Social Media und Clickbait das Spektakel befördern, und wie sich dies auch auf die Literatur auswirkt. Dafür haben die beiden Gäst:innen jeweils einen kurzen Input vorbereitet, welche sie zu Beginn vorlesen.

Kaufmann liest seinen Input auf Französisch, den Besucher:innen liegt eine deutsche Übersetzung vor. Er spricht von Legitimationsautoritäten und wie sich diese entwickeln. Die traditionellen Gate-Keeping Instanzen wie Verlage oder Literaturkritiker:innen, stehen heute mehr und mehr im Schatten von neuen Autoritäten wie Social Media-Accounts mit hohen Follower:innen-Zahlen. Schmunzelnd erzählt Kaufmann, dass ihm seine Sitznachbar:in Yaghoobifarah mit solchen Zahlen vorgestellt worden sei. HY habe mehrere tausend Follower:innen.

Weiter sinniert Kaufmann darüber, welche Literatur als tatsächlich, wirklich authentisch bezeichnet werden kann. Er befindet, dass in Zeiten der Selbstvermarktung, in denen das eigene Subjekt zum Produkt wird, die Autobiografie die einzige authentische Form der Literatur bleibt. Hat das mit der sich wandelnden Aufmerksamkeitsökonomie zu tun? Darauf könne noch keine Antwort gegeben werden, die Langzeitfolgen sind schlicht noch nicht ersichtlich.

Gate-Keeping heute vs. früher

Die hohen Followerzahlen von HY hätten Kaufmann erstmal neidisch gemacht. Beim näher darüber nachdenken ist die Vorstellung jedoch eher beängstigend: 50’000 Menschen, die sich von den eigenen, geposteten Ideen ernähren… «Ich habe ja bereits Mühe damit, einen halben Tag mit mir selber einverstanden zu sein!» Sobald jedoch ein Beitrag veröffentlicht ist, bleibt er dort fest und kann sich nicht mehr weiterentwickeln.

Süess erinnert bezüglich Gate-Keeping an Marcel Reich-Ranickis sexistische Aussagen beim Klagenfurter Ingeborg-Bachmann-Preis. Es wird deutlich: Es gab schon immer Literatur von marginalisierteren Gruppen wir Frauen oder rassifierten Personen, sie konnte jedoch wegen solchen Gatekeeping-Instanzen schlicht nicht gedeihen.

Solche, alten (und bewährten?) Formen von Autorität und Legimitation werden wohl nicht so schnell verschwinden. Kaufmann bezieht sich für diese Aussage auf die Macht von Institutionen und den Umstand, dass solche Institution selten ihre Bedeutung oder ihren Einfluss einbüssen. Die Kulturbranche lebe eben von Institutionen, das sei immer schon so gewesen und werde sich auch nicht so schnell ändern.

Hengameh Yaghoobifarahs Input spiegelt die Ideen Kaufmanns. HY erinnert daran, dass die Literatur des Spektakels à la Christian Kracht oder Benjamin von Stuckrad-Barre zu Popkultur geworden sei und dieser auch entspreche. So habe HY zwar keine Texte der beiden Autoren selbst gelesen, kenne sie aber trotzdem, man entkomme dem Gespräch über sie kaum. Zum Spektakel tragen hier aber vor allem die Autorenpersönlichkeiten bei, weniger die Literatur an sich. Literatur sei für sich selbstsprechend und eher unaufgeregt.

Den grössten Beitrag zum Spektakel, den ein:e Autor:in erbringen kann, leiste ein Profil auf Plattformen wie Instagram oder Twitter. Dort steige der Druck der Selbstvermarktung für Personen, die literarisch tätig sind. Zum Teil geht es sogar so weit, dass die Verlage die Vermarktung eines Buches komplett auf die Autor:in und deren Social Media abschieben. Dieser Druck fühle sich befremdlich an, so Yaghoobifarah.

Vermarktung und Soziale Medien

Das passt auch zu den Legitimationsautoritäten, von denen Kaufmann spricht. Im Gegensatz zu vielen jungen Autor:innen mussten sich Krach und von Stuckrad-Barre für ihren Erfolg keine Social Media Profile zulegen, obwohl sie mittlerweile beide auf Instagram vertreten sind. Immer mehr ziehen die Verlage die Online-Präsenz der schreibenden Person hinzu, um die Vermarktbarkeit eines eventuellen Buchs besser einschätzen zu können. Diese sei grundsätzlich interessanter als das Buch selbst, so HY: „Jeder kann ein schlechtes Buch schreiben, wenn es sich nur vermarkten lässt.“

Auf Süess› Frage, ob HY die Vermarktung des Debütromans Ministerium der Träume (2021) bereits während des Schreibens im Kopf hatte, antwortet di:er Berliner:in: «Ich hab da einfach kein Bock drauf». Der Roman sei von der Aufmachung quasi das Gegenteil von Clickbait, ein pinkes Cover mit einem roten Kreis drauf, ein Titel der an sich nichts aussagt, es könnte alles oder nichts sein. Das sei bewusst so gewählt, der Roman überzeuge offensichtlich trotzdem.

Ist Spektakel-Literatur problematisch?

Kaufmann ist sich zwar nicht sicher, ob spektakuläre Literatur wünschenswert sei, die Spektakularisierung finde stufenweise statt und sich ihr als Autor:in zu entziehen, werde immer schwerer. Kurz: Spektakuläre Literatur ist nicht besser oder schlechter, sie ist einfach anders. Auch HY musste sich bereits mit solchen Angeboten von Verlagen auseinandersetzen. Es wird nach Authentizität gefragt und diese soll möglichst spektakulär sein. Wenn HY jedoch mit diesen Wünschen im Kopf ein autobiografisches Buch schreiben müsste, würde dies das «langweiligste Buch ever», auch wenn es sich sicherlich gut verkaufen würde.

Das Gespräch wird aus Zeitgründen eher abrupt beendet. Kaufmann, Yaghoobifarah wie auch Süess hätten wohl noch viel zu sagen gewusst, das Publikum verlässt den Raum und führt in kleineren Gruppen das Gespräch auf der Strasse oder auf dem Weg zur nächsten Veranstaltung weiter – sicherlich der Beweis für eine gelungene Diskussion.