Voyage d’une explora(u)trice

«Bouleversant»

Voilà le mot qui résonnait à travers les rangées de sièges du Kino im Uferbau après la lecture d’Ed Wige.

Pardon, après sa performance … car écouter Ed Wige c’est assister au choc des mots de Milch Lait Latte Mleko avec la mélodie de «1000 kilomètres à pied, ça use, ça use, 1000 kilomètres à pied, ça use les souliers», avec le chuchotement «Hop Suisse» et avec des rythmes qui nous prouvent que «littérature» et «exploration» sont synonymes.

Ed Wige est une explora(u)trice. Où se trouve sa destination de rêve ? Loin des schémas individuels, proche du décentrement, du côté du cumul d’images. Malgré sa soif de découverte, elle garde un amour indéniable pour la Suisse qui est «l’odeur de son enfance» (et le motif de sa jaquette). En riant, elle me confie qu’à l’étranger la fondue lui manque, plus sérieusement … le français lui manque.

Grâce à sa force de manier cette langue pour exprimer des thèmes lourds portés par une écriture empreinte de légèreté, je ne peux que comprendre l’amour qu’elle lui porte. Le français lui permet de jongler entre sujets accablants et teintes d’humour, de danser en recherchant sans cesse un équilibre qui l’empêche de glisser d’un extrême ou de l’autre de la scène (littéraire).

Elle identifie d’ailleurs son écriture à une danse. «Légèreté» en est le maître-mot. Elle fuit le pathos presque autant qu’elle fuit le trop-flagrant. Elle veut que ses lectrices et lecteurs aient une «place pour soi» dans ses textes.

Pari réussi avec Milch Lait Latte Mleko : comment s’appellent les personnages ? quel pays est «le pays»? qui est la figure paternelle ? Cherche-t-on réellement les réponses à ces questions ? Pas vraiment, on se laisse simplement bercer par cette aura de mystère et par les indices qui y sont glissés, comblant une partie de ces non-dits.

Cette création Milch Lait Latte Mleko, qu’elle définit comme une «pive» (et qui donc s’inscrit parfaitement dans la collection de Paulette Éditrice), suit la publication de sa nouvelle Engoisse distinguée par le Prix de l’Ailleurs 2022. Avec la science-fiction, Ed Wige mettait les voiles en direction d’un autre cap mais le voyage dans lequel elle nous transportait ne perdait pas de sa beauté. Elle dit être «libérée par la contrainte». Se faire imposer un genre littéraire et une quantité de pages ne l’effraie pas et l’aide au contraire à déployer ses ai(l/s)es.

On se réjouit des nouvelles destinations qu’elle explorera. Où nous emmènera-t-elle? Il semblerait que ça soit du côté de l’écriture collective théâtrale et de ce qu’elle appelle «ses petites psychoses personnelles», mais gardons une part de mystère !

Débuter le festival des Journées littéraires au bord de l’Aar en compagnie d’Ed Wige, c’est découvrir le voyage d’une exploratrice des mots généreuse et solaire.

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