François-Henri Désérable, un nom qui prend de la place

François-Henri Désérable se fait attendre à Soleure. Par peur de ne pas trouver de place, je me rends avec un peu d’avance dans la salle qui se remplit petit à petit jusqu’à ce que tous les rangs soient bien occupés. Une fois le public installé, la discussion débute. Cette dernière et le silence sont vite brisés lorsque François-Henri Désérable préfère se présenter lui-même, entamant par une blague, sans laisser le choix à la modératrice qui s’efface derrière les rires de l’auditoire. Dès cet instant et jusqu’à la fin du temps qui lui était accordé, Désérable nous présente des anecdotes en laissant transparaître son talent de romancier et de conteur. C’est ainsi que nous sommes charmés d’apprendre la rencontre de sa grand-mère avec un gondolier vénitien, la première interaction entre l’écrivain et Brigitte Macron (alors son enseignante), ou encore sa première lecture de Belle du Seigneur qui provoque en lui un «truc miraculeux» le menant à l’écriture. De ses histoires de jeunesse à son histoire d’amour récente, qui naît d’un échange de titres littéraires en guise de communication, François-Henri Désérable sélectionne les aspects de sa biographie qu’il souhaite offrir à son public.

L’auteur est invité à Soleure avec sous son nom, Mon Maître et Mon Vainqueur et Lecture et discussion. Mais avant d’y parvenir, François-Henri Désérable préfère passer en revue toutes ses précédentes publications. La discussion initialement prévue se transforme en performance maîtrisée et rythmée par l’auteur qui semble même aller jusqu’à harmoniser les moments de rire et les moments d’écoute. Pour lui qui se décrit comme ayant été dans une «ignorance crasse» avant de porter son intérêt sur la littérature à 18 ans, la récitation de vers et de phrases, semble un exercice quotidien auquel il consacre une importance particulière. De sa voix envoûtante, François-Henri Désérable nous déclame du Verlaine, Gary, Aragon, Cioran, Baudelaire, et j’en passe. Sa connaissance virtuose des textes littéraires éblouit – mais parfois on s’interroge: ces paillettes resteront-elles dans notre mémoire?

Et puis, enfin, la modératrice amène son invité sur le sujet du Grand Prix du Roman de l’Académie française 2021, j’ai nommé : Mon Maître et Mon Vainqueur. De ce «polar poétique et amoureux», il s’agit d’en lire un passage et d’aborder les questions préparées par la modératrice avant de répondre à celles éventuellement posées par le public. Le temps presse : il ne reste plus que 15 minutes sur les 45 dédiées à François-Henri Désérable. Une brève introduction et un «Et !» (puissant et marquant la volonté de l’auteur de préciser un propos) plus tard, l’écrivain ouvre son livre et commence à lire. Le passage choisi donne l’occasion d’une nouvelle anecdote liant l’auteur à son narrateur. Une question posée par une auditrice en permet encore une autre. Et c’est la fin. Le temps est écoulé. Enfin, presque. Avec une dernière petite histoire pour remercier son public et toute l’organisation des journées littéraires – en l’occurrence le récit de sa balade enchantée sur un chemin de crête sur les hauteurs de Soleure -, François-Henri Désérable termine sa prestation de 45 minutes, nous laissant encore dans l’ambiance de sa performance comme si nous y étions plongés depuis plusieurs heures.

L’intervention de François-Henri Désérable s’est présentée à mes yeux comme un spectacle auquel on assiste avec amusement et, parfois, un brin d’agacement face au caractère grandiloquent de l’écrivain. Mon Maître et Mon Vainqueur s’est effacé derrière son auteur, qui est également son narrateur – mais après tout, les trois méritent d’être connus du public.

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