Sept heures trente quatre ce matin sur le quai de Fribourg, gourdes, sac à dos – et programmes jaunes et roses qui clignotent sous un bras. Journées littéraires de Soleure, l’édition 44, presque comme un « dites 33 » de la littérature, pour vérifier qu’elle est là, qu’elle pulse, prendre des nouvelles de sa santé. L’effervescence interne des courses d’école ou presque, en tout cas quelque chose de léger dans l’art et la manière, déjà les conversations courent sur les livres qui passent de main en main, « et toi tu vas écouter quoi aujourd’hui, tu vas voir quoi ? ». Pendant trois jours le texte ça s’écoute et ça se voit, ça se rencontre, ça s’expérimente.
Ce qui frappe, bien sûr, c’est le soleil éclatant et le vert de l’Aar quand on débarque dans la ville baroque des vieux ambassadeurs de France, quelques pas à peine, on traverse le pont et déjà des mouvements qui s’affairent autour des bâtiments qui longent la rivière et qui accueillent pour la plupart les manifestations, lectures, discussions, spectacles, performances littéraires des prochaines heures. Un œil jeté rapidement sur les livres en vitrine – se retenir déjà, on ne pourra pas tout lire, pas tout acheter – des salutations enjouées et quelques mains qui se serrent, poignes retrouvées, on se dit bonjour par-delà les deux années vécues.
Actrices acteurs du littéraire, pas tellement comme une famille, plutôt des affinités électives et des échos choisis, rêvés à nouveau sur le fond de cette coulisse magnifique, on se réunit non pas pour faire re-démarrer quelque chose qui n’a jamais cessé – les mots ont vécu et enflé ces deux dernières années – mais pour se rappeler le plaisir et la plus-value de vivre ensemble la création, partager les ajouts à la réalité, désirants et rageurs. La littérature éclate de toutes ses formes, la joie de batifoler avec elle dans et hors du livre : c’est parti pour trois jours à Solothurn.