Leçon d’Histoire, d’engagement et de charisme : Nétonon Noël Ndjékéry

En sortant de l’événement qui a mis en lumière Nétonon Noël Ndjékéry (auteur de Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis), les phrases ébahies, conquises, admiratives, foisonnent : un bouleversement littéraire et humain, un admirable engagement, une aura intimidante vite nuancée par des traits d’humour. Comme lorsqu’il prétend, n’ayant pas pu faire d’études en Histoire, «être un historien raté» et «se rattraper à l’époque en faisant l’historien du dimanche».

Ses touches d’humour, bien que plaisantes au cours de la discussion, ne remettent aucunement en doute l’évidence de son talent et de son érudition. L’auditoire captivé prend alors connaissance des grands noms qui l’ont inspiré : sont entre autre cités Malek Chebel (auteur de l’Esclavage en Terre d’Islam) et Joseph Ki-Zerbo (auteur de l’Histoire générale de l’Afrique noire). Ce dernier a particulièrement marqué Ndjékéry avec l’idée de « se réapproprier notre histoire ».  

Même si c’est un peu frustrant car on aimerait pouvoir retenir tous les noms que l’auteur cite – et en cela il réussit brillamment à nous rendre désireux d’affuter notre connaissance de l’Histoire – le constat principal relevé par Ndjékéry est percutant : on ne parle pas de la traite transsaharienne. Et l’auteur l’a subi comme un fossé qu’il fallait combler. Son livre Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis s’attaque donc à un tabou, à un « trou noir autour de l’esclavage transsaharien ». Lorsque la discussion laisse place à la lecture d’un extrait, le public retient toujours son souffle car les mots relèvent d’une puissance intimidante et marquante, à l’image de leur auteur.

En plus de son érudition impressionnante – car de tête il cite fréquemment de multiples ouvrages, des articles de journaux et des reportages récents pour étayer son propos – Ndjékéry livre une part plus intime de lui-même. À la salle attentive, il confie que le récit d’attaques esclavagistes baignait déjà son enfance et qu’il était lui-même mis en garde contre elles. Lorsque le modérateur évoque la place de l’utopie dans son œuvre, en référant notamment à «la Case du savoir» sur l’île flottante où se réunissent certains protagonistes, l’auteur reconnait cette part d’utopie et ajoute une anecdote personnelle : quand il était petit on lui disait « il ne faut jamais éteindre les rêves, sinon ça risque d’épaissir les nuits et d’obscurcir les jours ».

À un moment, Ndjékéry dit être très ému de nous parler et l’auditoire prend très bien conscience de cette authenticité qui se livre à lui. Le présentateur exprime alors la pensée du public conquis : « on prend tellement de plaisir à vous écouter… ». Et c’est vrai, la discussion avec Nétonon Noël Ndjékéry est une leçon d’Histoire, d’engagement et de charisme. Même s’il demeure une place pour l’utopie, ce roman n’est pas optimiste, il dénonce la réalité : « c’est une histoire, une mémoire qui saigne encore ! » Une problématique d’une mordante actualité.

Je me considère très enrichie par cette rencontre et me vois touchée par la gentillesse de l’auteur qui accepte d’échanger quelques mots avec moi à la fin de l’événement, avant de vite rejoindre sa place pour la dédicace (rythme du festival oblige, la bulle complice de la discussion vécue ensemble malheureusement s’estompe). Je réalise alors avoir déjà côtoyé cet auteur par le passé, puisqu’il a été le témoin de mariage de mon oncle et de ma tante, tchadienne elle aussi.

C’est avec joie que je conserve cette pensée inattendue : les Journées littéraires de Soleure, c’est aussi redécouvrir des connaissances de jadis en tant qu’auteurs talentueux et inspirants aujourd’hui.

Notre équipe à Soleure :
Leïla Dorsaz

Fascinée par ces mots qui ont cette puissance évocatrice, qui interpellent et résonnent – se font ouvertures des sillons de la pensée – Leïla Dorsaz se consacre à la littérature d’aujourd’hui et d’il y a deux mille ans, en étudiant le Francais et le Latin à l’Université de Fribourg. 

S’épanouissant dans l’écriture, et surtout au sein de la poésie, elle porte aussi un intérêt tout particulier à la littérature suisse, qu’elle souhaite vivement mettre en valeur et faire vivre.