De la traduction et beaucoup de sang, vous avez dit ?

Qu’elle soit libre ou littérale, l’image que l’on a de la traduction n’est pas forcément glamour pour tout le monde. Certains diront peut-être même « Quelle importance ? Je ne lis que dans une langue ! » On pourrait s’arrêter là, et affirmer que les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Mais ce serait compter sans les joutes littéraires auxquelles ont pris part Raphaëlle Lacord et Valentin Decoppet ce vendredi. Eh oui, un affrontement et beaucoup de sang, ça ne laisse personne indifférent !

Et c’est peut-être ça, le plaisir de traduire : confronter sa traduction à celle des autres, et défendre ses choix. Mais cela ne s’arrête pas là, et selon les jouteurs, il y a d’autres raisons d’apprécier la traduction.

Le bonheur de la découverte

Les extraits imposés aux jouteurs étaient tirés de 3511 Zwetajeva, livre écrit par l’auteur et poète allemand Levin Westermann. Ils avaient deux mois pour réaliser l’exercice, deux mois pour explorer le texte et l’interpréter. Et forcément, disent les traducteurs, ne pas connaître toutes les références auxquelles fait appel le texte permet de nombreuses interprétations. Mais cela n’a pas semblé être une difficulté insurmontable pour ces explorateurs de la langue.

Le plaisir de la traduction

Selon Victor Hugo, le fait de traduire s’apparente à transvaser un liquide d’un vase à col large dans un vase à col étroit. Il s’en perd toujours… Si Raphaëlle Lacord et Valentin Decoppet ont tenté de ne pas en perdre une goutte, ils ont dû faire des choix: lexique, syntaxe, sonorités, et même registre de langue !

D’ailleurs, vous qui lisez cet article, qu’auriez-vous privilégié pour traduire « Und auch die Orchideen » ? Auriez-vous penché pour « et aussi les orchidées », « et les orchidées aussi » ou « et les nénuphars aussi » ? Ah! on sent que ça vous titille!

Les jouissances de la confrontation

Soyons honnêtes, un spectacle, ça se prépare. Cependant, parler de duel, ou même de catch américain, ce serait pousser la métaphore un peu loin. Ça ne signifie pas pour autant que l’on vous ait menti, c’était bien une joute, mais… non il n’y avait pas d’issue prévue, ni de vainqueur ou de vaincu à l’horizon. La traduction, c’est un art, un art noble ! on ne se salit pas les mains avec. D’ailleurs, les traducteurs avaient déjà confronté leur version autour d’un verre.

Cependant, c’est bien lors de la joute qu’ils ont dû répondre des choix qu’ils avaient faits pour les passages qui comportaient des difficultés. Ah ! Le voilà, le vrai combat, celui qui se fonde sur une argumentation solide ! ou à défaut, une argumentation fallacieuse, mais convaincante…

Vous l’aurez compris, la joute était le meilleur prétexte qui soit pour vous donner un aperçu séduisant du long cheminement que connaît un traducteur entre sa première découverte du texte, et son émergence dans une autre langue.

 

Kein Streit

„Joute de traduction“ heisst die Veranstaltung, an der eine Übersetzerin und ein Übersetzer in den Ring treten und ihre jeweilige Wortwahl verteidigen sollen. Die übersetzten Textpassagen stammen aus Levin Westermanns Gedichtsammlung 3511 Zwetajewa. Valentin Decoppet und Raphaëlle Lacord treffen sich zum Duell und werden sich um Worte streiten, so die Erwartung.

Doch der Moderator Yves Raeber warnt vor: Der Ausdruck „rompre une lance“, „eine Lanze brechen“, könne man ja auch auf zwei Arten verstehen. Einen Gegner töten, könne es heissen, auch aber eine Lanze brechen für jemanden, als Zeichen des Respekts und der Freundschaft. Freundschaftlich geht es zwischen den beiden die ganze Stunde über zu. Was als „joute“, als Turnier oder Wettstreit angelegt ist, wird eher zum freundlich-vorsichtigen Abtasten.

Die beiden Parteien geraten sich einfach nicht so richtig in die Haare. Im zweiminütigen Verteidigungstakt bringen sie Argumente an, weshalb sie einen gewissen Textauszug so übersetzt haben, wie sie ihn übersetzt haben. Wie haben die beiden zum Beispiel „Urzustand“ übersetzt? Die Spannung steigt, die Blicke sind auf die Leinwand gerichtet. Dann erscheint der Text, Decoppet und Lacord lesen ihre Vorschläge vor. Lacord hat sich für „l’état premier“ entschieden, während Decoppet „l’état originel“ bevorzugte. Doch dies bleiben Vorschläge, und oft können sie die Übersetzung des anderen auch ganz gut nachvollziehen.

Raeber versucht immer mal wieder, das Feuer zu entfachen und sie zum Streit anzustiften: „Maintenant il faut tout donner!“, „Jetzt müsst ihr alles geben!“, betont er gegen Ende nochmals. Immer noch kein Streit. Vielleicht heisst alles zu geben in der Übersetzung auch einfach nicht, das Beste zu finden und auf Gedeih und Verderben zu verteidigen, sondern das Gute immer wieder umzudrehen, von allen Seiten her anzuschauen und zu befragen.