Dans les jardins d’Albertine et de Germano Zullo

« On a commencé par être amoureux puis on a réuni nos deux univers » explique Germano Zullo ; deux univers qui fusionnent et portent une idée surgie au milieu d’eux, « comme un troisième personnage ». Leur travail consiste à la servir au mieux, grâce au dialogue maîtrisé entre le texte de Germano et l’image d’Albertine. La co-création se poursuit étape par étape, du scénario à l’illustration, entre indépendance et consultation mutuelle. Ce qui n’empêche pas les imprévus, nuance Albertine : « C’est toujours une surprise. Il doit accepter ma propre image. On se surprend dans la vie mais aussi dans l’art, en tant que créateurs. »
Au centre de leur travail se trouve un processus constant d’adaptation à l’autre. Alors que Germano, plus introspectif, a besoin de temps, il arrive qu’Albertine s’emporte, mue par « l’exaltation du livre, du faire ». Les discussions permettent alors de trouver une voie commune, mais aussi d’équilibrer les approches. Dans l’universalisme de Germano, pour qui « tout est essentiel », les dessins d’Albertine aident à faire le tri. Il s’agit d’encourager l’autre tout en le tempérant, dans l’ambition commune de raconter.
Raconter, certes, mais pas expliquer. Ils ne font pas de pédagogie, « ne jouent pas les démiurges, ne dominent par leur propos ». Albertine et Germano acceptent et revendiquent même le fait qu’une partie du sens leur échappe. Chaque œuvre, phrase ou image ne porte pas de message mais se veut au contraire une proposition à partir de laquelle chacun peut réfléchir et construire du sens. Au public de s’approprier l’art en formulant à la fois les questions et les réponses. Tout s’y prête, au fond. Ce que les personnages vivent est intense, à la fois terriblement singulier et universel : une femme-canon fatiguée des longues marches quotidiennes pour rentrer au bercail, c’est insolite ; mais quoi de plus commun que le sentiment de parler sans être entendu ? On devine la richesse émotionnelle des personnages, bien qu’eux-mêmes se montrent réservés – taiseux, comme on peut l’être en Suisse, précise encore Albertine. Germano et elle ont ce soin des détails qui font naître le rêve.
À écouter le couple, leur pratique artistique est un cheminement vers ce quelque chose qu’ils n’identifient pas. S’ils l’avaient trouvé, d’ailleurs, la quête aurait cessé. L’inspiration se puise dans chaque rencontre, au hasard des rues, avant d’être transposée dans les petits détails qui font l’excellence des dessins d’Albertine ou la force des scénarios de Germano. Dès lors, tous les supports et toutes les thématiques sont propices à l’exploration.
Pour Albertine et Germano Zullo, les journées de Soleure offrent la possibilité d’être présentés en dehors des catégories dans lesquelles on les force trop souvent à entrer et qui ne reflètent pas l’entier de leur œuvre. Ici, pas de tente réservée à la littérature jeunesse, qui les empêcherait d’aborder les autres genres qu’ils pratiquent, notamment ceux destinés aux adultes. C’est donc tous leurs arts qui sont invités, de la bande dessinée à la poésie, en passant par les performances en live et le vernissage de l’exposition « Jardin ».

Agathe Herold et Louise Moulin

À propos des auteurs : en plus de vingt ans et trente livres co-signés, les Genevois Albertine (illustratrice) et Germano Zullo (écrivain) ont su se hisser parmi les figures incontournables de la littérature romande. Ils présentent à Soleure l’adaptation de leur bande dessinée La femme canon en parallèle à l’exposition d’Albertine « Jardin », à découvrir à la Künstlerhaus.

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