De janvier à Janvier, fais ce qu’il te plaît

Six mois que Janvier n’avait reçu aucun dossier. Première étape avant qu’ils ne suppriment son poste, il en était persuadé. Pourtant, les semaines avaient passé, et ce qui n’était à l’origine qu’une hypothèse improbable s’était alors imposé comme une évidence : ils l’avaient tout simplement oublié.
« Janvier » était une nouvelle du recueil Une autre vie parfaite. En faire un roman s’est imposé à son auteur, Julien Bouissoux, comme une réponse à l’appel à la vie de son personnage, c’est ce qu’il nous confie lorsque nous le rencontrons sur une terrasse, en aparté du programme soleurois. Ce clairmontois d’origine vit à Berne avec sa famille et apprécie la quiétude que lui offre cet environnement linguistique, des mots qui lui échappent, laissant de la place à la rêverie.

Nous l’interrogeons sur les noms de ses personnages, Janvier et Jean-Chrysostome, qui nous ont laissé-e-s songeur-se-s. Vendredi ou la vie sauvage ? Une référence biblique ? Rien de tout ça ! L’auteur lève le mystère : «Ça sonnait juste. Et puis Jean-Chrysostome, c’est drôle avant d’être biblique.» La simplicité de la réponse étonne et touche, tout comme les anecdotes qu’il nous livre au cours de l’heure qui file en sa compagnie. On imagine sans peine Julien Bouissoux feuilleter dans son bureau les who’s who récupérés lors d’un tri à la bibliothèque de l’Université de Neuchâtel, pour le plaisir.

Au fil de la conversation, des mots reviennent qui tous fleurissent les champs de la liberté, de la sincérité et de l’humilité. Pour lui, impossible de concevoir l’écriture et la lecture sans eux. Et sans une certaine matérialité. Des deux livres de papier posés sur la table, il explique qu’ils le rassurent. Savoir que son fichier de travail vit maintenant une existence indépendante et démultipliée c’est presque une éternité, certainement une sérénité.

Il est pour lui capital de ne pas jouer avec son lecteur, mais il n’hésite pas à nous renvoyer la balle. Il glisse quelques questions à notre attention, transformant l’entretien en échange, et lorsqu’on lui propose de choisir la photo d’illustration de cet article, il s’empare tout naturellement de l’appareil et nous photographie.

Emma Schneider, Charlotte Hebeisen, Julien Philippoz

L’idée du bureau vide

Janvier. Un mois, froid, enneigé. Mais c’est à la fois le titre du nouveau roman de Julien Bouissoux et le nom du caractère principal.

Bouissoux débute avec une discussion, avant de nous lire un extrait de son ouvrage. Tout au début, la modératrice, Nathalie Garbely, nous raconte qu’elle a trouvé le roman extraordinaire et que, dès les premières lignes, elle était prête à se laisser emmener n’importe où.

Le public lui aussi est-il prêt à ça? Il semble que oui, d’après les visages intrigués, les sourires bienveillants. On verra bien. Il faut d’abord qu’il nous raconte de quoi il s’agit.

Le roman parle d’un homme, Janvier, qui a été oublié dans son bureau. Comme il reçoit toujours de l’argent, il se rend encore tous les jours sur son lieu de travail. Il vient pour arroser ses plantes, pour lire quelques journaux. C’est donc un roman qui a comme thème l’absurdité du héros. Même si c’est là un thème bien connu, Bouissoux trouve les moyens de le retravailler et de lui donner un nouveau visage. L’inutilité, l’oubli – Janvier les incarne parfaitement. Mais il prend de plus en plus de libertés dans son quotidien. Il fait ce qu’il aime: rien de spécial en vérité.

Avec une voix chaleureuse, très agréable à écouter, Bouissoux nous lit un extrait de son roman. Très fluide, un peu timide. Il demande au public si on l’entend, malgré sa „voix qui porte pas tellement“. Oui, tout le monde l’entend. Mieux qu’il le pense. On l’entend, on l’écoute avec un grand plaisir.

Lorsque on lui demande comment le processus d’écriture se passe chez lui, il répond que le début est souvent violent. Mais après un moment, une routine et des moments sympas s’installent. „Dans une bonne journée, j’écris quatre pages. Pas plus. C’est du jus de cerveau, après il y en a plus.“ En plus, Bouissoux s’est détaché de l’obligation de toujours écrire dans son bureau : il aime même l’idée que celui-ci reste vide. Tout en contraste avec Janvier.

Quand l’entretien touche à sa fin, une dame demande s’il ne pourrait pas encore nous lire un extrait, parce qu’elle trouve que le texte est vraiment beau. On est d’accord.